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Brésil. Elles se trompaient sur l’état du Brésil, qu’elles ne connaissaient pas ; elles ignoraient ses progrès, sa prospérité, ses mœurs, sa puissance même. Elles étaient composées d’avocats distingués, d’écrivains et de patriotes ardens, mais qui n’avaient aucune idée des modifications opérées au Brésil pendant les treize années que la maison de Bragance avait passées sur le territoire de son ancienne colonie. Les cortès croyaient qu’il était possible de faire revenir ce pays à l’état de possession portugaise, et qu’il pouvait être gouverné avec d’autres idées que celles dont le Portugal réclamait lui-même alors l’application. Elles décidèrent que le prince royal serait obligé de rentrer en Europe, que les hauts tribunaux seraient abolis, et que chaque province brésilienne recevrait de la métropole un gouverneur qui ne pourrait correspondre qu’avec elle. Ainsi disparaissait l’unité du pays, et avec cette unité les forces qu’il en retirait. Il devait y avoir autant de colonies que de gouvernemens provinciaux, et chacune de ces provinces devait être assez faible pour être obligée de se soumettre à tout ce qu’exigerait le Portugal.

Le Brésil se leva enfin. Dom Pedro vit bien que, s’il obéissait aux cortès, la séparation des deux pays n’était pas moins inévitable, et qu’au lieu d’une monarchie il y aurait une république de plus en Amérique. Il résolut d’unir ses destinées et son avenir aux destinées et à l’avenir de ce nouvel état. L’indépendance du Brésil fut proclamée, et l’empire constitué en septembre 1822. La guerre fut déclarée entre le Brésil et le Portugal ; elle dura quelques années, mais elle fut sans importance. Le Portugal n’avait pas assez de forces pour combattre au Brésil, et cette guerre d’ailleurs ne trouvait de partisans que dans les cortès. De son côté, le Brésil, ayant un prince portugais à sa tête, acceptant comme ses enfans les Portugais qui l’habitaient lors de la proclamation de l’indépendance, et dont la plupart avaient embrassé sa cause, pouvait se défendre avec avantage.

Il est encore une différence très importante à noter entre l’indépendance du Brésil et celle des anciennes colonies américaines qui appartenaient à l’Espagne. Cette différence a décidé de son avenir. Avec l’indépendance, le Brésil adopta à la fois les idées monarchiques qu’il avait appris à aimer et les principes de liberté politique qui commençaient à se répandre. La monarchie lui donna l’unité de l’immense pays sur lequel s’étendait la domination portugaise, et de plus l’appui de tous les Portugais qui résidaient sur son territoire. Il n’eut presque pas d’ennemis intérieurs à combattre ; il n’eut besoin ni de proscrire les Européens, ni de confisquer leurs biens, ni de faire couler le sang. Il ne fit, pour ainsi dire, que continuer à marcher dans la voie du progrès qu’il avait suivie jusqu’alors, et, malgré sa forme monarchique, il jouit d’une assez grande liberté