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Les ministères, les tribunaux supérieurs administratifs et judiciaires, les écoles militaires, de marine, des beaux-arts, tous les établissemens nécessaires s’organisèrent à Rio-Janeiro. Les ports furent ouverts au commerce du monde. L’étranger y fut admis et put s’y établir ; des fabriques furent créées, l’essor fut donné à l’industrie, et le nouveau pays prit place à côté des nations européennes. L’indépendance du Brésil était établie de fait ; il ne lui manquait plus qu’une sanction officielle.

Treize ans se passèrent ainsi. Trois fois le Portugal fut envahi par les généraux de Napoléon ; trois fois ceux-ci furent obligés d’abandonner leur conquête. Pendant ce temps, la maison de Bragance était tranquille au Brésil ; à la reine, décédée à Rio-Janeiro, avait succédé le prince royal sous le nom de dom Juan VI : le pays prospérait et s’agrandissait loin des commotions, des guerres et des invasions étrangères.

Mais la chute du premier empereur des Français amena d’autres événemens qui trompèrent tous les calculs et toutes les espérances. Les idées de liberté et de gouvernement représentatif, reçues et acceptées en France, pénétrèrent dans quelques états de l’Italie, en Espagne et en Portugal. Les habitans de ces pays en vinrent à savoir ce qu’ils valaient ; ils subirent l’influence de la nouvelle civilisation, qui s’introduisait partout. Après la Sardaigne, Naples et l’Espagne, le Portugal fit sa révolution politique, et appela des chambres nommées par le peuple pour lui donner des institutions libérales.

En 1820, le gouvernement représentatif fut proclamé en Portugal. Les cortès se réunirent pour l’élaboration d’une charte constitutionnelle, et la première chose qu’elles exigèrent, ce fut l’abandon du Brésil par le roi et la cour, leur rentrée dans la capitale du Portugal, et leur adhésion par serment aux bases de la constitution projetée. Lisbonne réclamait ses prérogatives de métropole de tout le royaume sur lequel régnait la maison de Bragance. Après une longue hésitation, dom Juan VI céda aux vœux de ses sujets d’Europe ; mais son esprit était trop cultivé, son intelligence trop éclairée, pour qu’il ne comprît pas que les deux pays étaient à tout jamais indépendans l’un de l’autre. Le Portugal ne voulait plus être colonie du Brésil : il exigeait que son roi et la cour résidassent sur son territoire. Le Brésil ne pouvait plus consentir à redevenir colonie : il s’était habitué à faire lui-même ses affaires, à ne plus dépendre de l’ancienne métropole.

En partant pour l’Europe avec sa famille, dom Juan VI laissa au Brésil son fils aîné, le prince royal dom Pedro, avec le titre de régent du nouveau royaume. Ce n’était pas là ce que voulaient les cortès portugaises. Après avoir obtenu que le roi préférât Lisbonne à Rio-Janeiro, elles exigèrent encore que le prince royal quittât le