Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/798

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Portugal. Aucun navire ne sortait de la colonie, si ce n’est pour aborder aux plages portugaises, et l’entrée des ports coloniaux n’était permise qu’aux vaisseaux venant de Lisbonne, de Porto, de Vianna ou de Setubal. La fabrication industrielle était interdite, parce que le Portugal voulait en conserver le monopole. L’imprimerie était prohibée. On osa créer un établissement typographique à Rio-Janeiro, sous les auspices du comte de Bobadella, vers le milieu du XVIIIe siècle ; mais la cour de Lisbonne censura le gouverneur et ordonna que l’imprimerie fût immédiatement et à jamais fermée.

Malgré ces prohibitions, les richesses du pays se développaient, la population s’accroissait, l’agriculture faisait de notables progrès : outre le cacao, le manioc, l’indigo, le bois du Brésil, l’ipécacuana, la vanille, dont la production était intérieure, on y acclimatait la canne à sucre, importée de l’île de Madère, le café, le girofle et la cannelle, venant de l’Asie, et le riz, les fèves et le maïs de l’Europe. Les mines d’or et de diamant de Minas-Geraes, Goyaz et Matto-Grosso appelaient au centre du pays tous ceux qui ne cherchaient qu’à s’enrichir. Le Brésil offrait plus de ressources que le Portugal aux classes pauvres de la société, qui allaient y chercher une fortune qu’elles n’avaient pas d’espoir de rencontrer dans la métropole.

Malgré ce système d’administration politique, le Brésil, dès sa découverte, fut représenté en Portugal par des hommes distingués qui avaient eu leur berceau dans la colonie, et qui prirent place parmi les célébrités de la métropole. Le sol ne produisait pas seulement des richesses matérielles : il donnait au Portugal des guerriers tels que Jorge d’Albuquerque, Salvador Correia, André Vidal de Negreiros, qui chassa les Hollandais du Brésil, Pinto do França, qui se fit remarquer pendant l’invasion du Portugal par les Français. Il lui donnait des historiens et des prédicateurs qui font le plus grand honneur à la littérature portugaise, des savans et des naturalistes tels que Bartholomeo Gusmao[1], les deux Camaras, Alexandre Rodriguez Ferreira, Leandro do Sacramento, auxquels on doit beaucoup de découvertes. Il lui donnait encore des hommes d’état et des économistes comme Alexandre de Gusmao, dom Francisco de Lemos, dom José Joaquim de Cunha Continho, Joao Pereira Ramos et le vicomte de Cayrù[2], d’éminens poètes tels que Souza Caldas, Sao

  1. Il est prouvé aujourd’hui que c’est à Bartholomeo Gusmao qu’on doit la découverte des aérostats. Son expérience a été faite à Lisbonne publiquement en 1709, et les papiers de ce temps en font foi. Ce n’est qu’en 1789 que les Montgolfier ont gonflé leur premier ballon.
  2. Alexandre de Gusmao a été ministre d’état de dom Juan V ; Lemos s’est illustré par la réforme de l’université de Coïmbre, ainsi que son frère Ramos. Cunha Continho et Cayrù sont les deux économistes les plus distingués du Portugal et du Brésil.