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religieuses parvinrent à se faire comprendre d’eux et à leur faire abandonner la vie nomade pour se déclarer sujets du roi de Portugal et former de nouveaux centres chrétiens. À côté des villes bâties par les Européens s’élevèrent des bourgades de Tupinambas, de Tupinimquins et de Carijos, qui se soumirent aux lois et au gouvernement des Portugais. La cupidité des conquérans les portait-elle à réduire quelques Indiens en captivité, les jésuites se présentaient aussitôt pour les délivrer et les secourir, et ils trouvaient toujours un appui dans la couronne et dans les gouverneurs de la colonie.

Les Espagnols suivirent une tout autre marche : ils traitèrent les Indiens comme des bêtes féroces ; ils adoptèrent un système de tortures et de cruautés dont on ne trouve d’exemples dans les annales d’aucun autre peuple conquérant. Ils ne croyaient affermir leur puissance dans ces nouvelles contrées qu’en faisant disparaître les anciens habitans. C’est avec un profond sentiment de dégoût et d’horreur qu’on détourne les yeux des actes barbares que les Almagro, les Pizarro et les Bovadilla ont commis sans la moindre nécessité contre les malheureux indigènes, dont le seul tort était de posséder d’admirables pays et des îles magnifiques. Ces habitudes sanguinaires ne changèrent pas quand les conquérans espagnols eurent fait disparaître la race proscrite, et qu’ils ne rencontrèrent plus de résistance. Après les combats, après l’emploi des chiens furieux, après le gibet et les massacres, vint la guerre civile. Les conquérans tournèrent leurs armes les uns contre les autres, et les Almagro, les Balboa, les Pizarro tombèrent eux-mêmes sous les coups de leurs compatriotes. Telle est la triste histoire offerte par la conquête du Pérou, du Mexique, du Chili et des autres parties de l’Amérique où se sont introduits les Espagnols.

Au moment où ses vaisseaux débarquèrent au Brésil, le Portugal était loin de porter toutes ses vues vers cette nouvelle conquête. Les Indes orientales appelaient principalement son attention : il y avait là des richesses immenses, des marchés commerciaux très productifs. Les étoffes et les soieries de la Perse et de la Chine, les diamans, les perles et les rubis de Golconde et du Pégu, les épices de Bornéo, de Ceylan et du Malabar, transportées à Lisbonne sur de nombreux vaisseaux, faisaient de cette ville la capitale du monde commerçant, et donnaient une prospérité inouïe au petit royaume du Portugal. Mais quand les Espagnols enveloppèrent le Brésil de leurs colonies et menacèrent de s’en rendre maîtres en l’étreignant entre le Pérou, le Paraguay et la Colombie, il fallut bien penser à cette nouvelle conquête, et le roi dom Juan III divisa le pays en capitaineries, qu’il donna comme récompenses à quelques-uns de ses plus dévoués serviteurs. À ces domaines féodaux étaient attachés tous les droits dont jouissait la couronne, excepté ceux de condamner