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révolution, M. de Cavour s’était graduellement séparé de la droite dans les affaires religieuses et dans les questions économiques. Au moment où un souffle de réaction semblait s’élever en Europe, il sentait le péril de ces entraînemens nouveaux qui pouvaient ramener le Piémont en arrière, et en défendant la loi sur la presse, qui fut votée d’ailleurs, il signait une publique alliance avec la fraction modérée de la gauche. M. de Cavour avait-il consulté ses collègues ? n’avait-il pas donné à la politique du cabinet un caractère plus prononcé que ne l’eût souhaité au fond M. d’Azeglio ? Il agissait évidemment en homme d’initiative qui fait sa position, et s’il était obligé pour le moment de déposer son portefeuille, le coup n’était pas moins porté. Quelques mois s’écoulaient à peine qu’il reparaissait au pouvoir comme chef d’un ministère et successeur de M. d’Azeglio. Bientôt l’entrée de M. Ratazzi au pouvoir achevait de sceller l’alliance. Tels sont les faits que retrace M. Chiala dans son livre, où l’on peut suivre le travail des idées politiques et des partis. Qu’a produit cette situation ainsi décrite en ses origines ? Elle a pu, cela n’est point douteux, préserver le Piémont de quelques excès de réaction, en faisant prévaloir dans la politique un souffle d’inspiration libérale. On pourrait dire qu’elle a surtout réussi pour M. de Cavour, dont elle a fortifié et agrandi l’ascendant, en faisant du président du conseil le représentant presque indispensable des opinions libérales ; elle a moins réussi, il faut bien l’avouer, pour M. Ratazzi, qui, après une expérience peu brillante de quelques années, a été obligé récemment de quitter le pouvoir, de sorte qu’on se trouve aujourd’hui ramené au point de départ. M. de Cavour se voit placé entre la gauche, qui menace son projet, et la droite, qui l’appuierait sans doute, non pourtant sans faire ses conditions. M. de Cavour est-il disposé à souscrire à ces conditions ? Une alliance de ce genre serait évidemment la plus naturelle dans l’état du Piémont, car elle réunirait toutes les forces conservatrices et libérales du pays, laissant dans leur impuissance les partis extrêmes, les révolutionnaires et les absolutistes ; mais il y a une autre combinaison qui n’est pas la plus improbable, c’est que M. de Cavour triomphera des difficultés actuelles, et continuera à diriger les conseils du Piémont, sauf à reconstituer son ministère, aujourd’hui incomplet.

Certes la politique de l’Europe est travaillée aujourd’hui par bien des malaises plus ou moins aigus, plus ou moins profonds, qu’il suffirait de laisser se développer un peu pour qu’ils prissent un caractère redoutable. À quoi tiennent la plupart de ces malaises ? À une infinité de causes, aux rivalités, aux antagonismes, à des combinaisons artificielles, à un enchevêtrement de rapports contraints et mal définis. Le différend entre l’Allemagne et le Danemark n’est point d’un autre ordre. Rien n’eût été plus facile que d’envenimer ce conflit et de le laisser arriver au point où des obscures divergences des chancelleries germaniques on eût vu sortir tout à coup un grave embarras pour l’Europe. Avec plus de prévoyance et de sagesse, les gouvernemens paraissent faire aujourd’hui un effort sérieux pour se rapprocher et pour dissiper ce nuage, que les passions ont grossi depuis quelque temps. La diète de Francfort, si l’on se souvient d’un des derniers incidens de cette confuse affaire, la diète de Francfort a pris récemment des résolutions d’où il résulte que, soit dans l’organisation générale de la monarchie danoise, soit dans les