Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/726

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une note placée en tête de son poème, sur les aventures de la comtesse de Lusignan, vulgairement appelée Mélusine. Celle dont l’auteur s’est inspiré appartient au Poitou, où se trouvent encore les ruines du château de Lusignan, » qui passe pour avoir été édifié par la fée dans une nuit d’incantations. Puisque M. de Saint-Georges ne s’est point astreint à reproduire scrupuleusement l’une ou l’autre des deux versions légendaires qui courent sur lafata Mélusine, nous suivrons la donnée qu’il avait le droit et qu’il a trouvé bon de choisir.

Le comte de Poitou attend impatiemment René, vicomte de Thouars, qu’il donne pour époux à sa fille Blanche, et qui revient de la croisade. Le château est en fête, lorsqu’arrive un pèlerin qui demande l’hospitalité. On le questionne sur le but de son voyage, et il répond qu’il vient de la Palestine, où les soldats de Dieu combattaient sous un « ciel tout en feu. » Il annonce le prochain retour de René de Thouars, chargé d’un message pour le roi de France. Cette nouvelle remplit de joie le cœur de Blanche ; mais elle s’attriste aussitôt lorsque le pèlerin lui dit que René doit passer la nuit dans la forêt voisine du château, où se tient l’affreuse Mélusine, dont elle raconte l’histoire dans une ballade, qui commence ainsi :

Fraîche comme la fleur nouvelle,
Blanche comme un lis de nos bois,
L’amour a réuni sur elle
Toutes les grâces à la fois !…


Ces dons merveilleux de la comtesse Mélusine sont empoisonnés par une infirmité cruelle : belle comme un ange pendant le jour, elle devient hideuse et se change en monstre pendant la nuit. — Ah ! continue la fille du comte de Poitou :

Évitez la forêt voisine,…
Fuyez l’amour de Mélusine,
Car son amour donne la mort.

Le second tableau du premier acte nous montre précisément le beau René de Thouars endormi sous une tente au milieu d’une vaste forêt. Mélusine le fait veiller par des fées pendant qu’elle exprime l’amour violent qu’elle a conçu pour son captif. C’est la scène d’Armide renouvelée, mais non pas embellie. Il faut savoir que la puissance surnaturelle de Mélusine n’est qu’une puissance d’emprunt, qu’elle la doit au nécromancien Stello, qui a séduit sa jeunesse. Une lutte infernale s’établit entre ces deux êtres diaboliques, dont la pauvre Blanche de Poitou est d’abord la victime. Prête à épouser René qu’elle adore, Mélusine fait planer sur elle une accusation d’infidélité, et trompe René par un sortilège qui lui fait voir une fausse image de Blanche écoutant les propos d’amour de son jeune page Aloïs. Il en résulte une scène de rupture et de désespoir après laquelle Blanche se décida trop bénévolement à s’ensevelir dans un cloître. Au cinquième acte, tout s’explique. Le ciel se rassérène, Blanche épouse René, et Mélusine se fait chrétienne, n’ayant pu être une diablesse complète ; ce qui fait dire au chœur avec accompagnement de harpes :