voix de ténor. Les chœurs, l’orchestre et l’éclat du spectacle peuvent valoir à la Perle du Brésil un certain nombre de représentations fructueuses.
L’Opéra, qui ne prodigue pas son bien, et qui ne se décide pas facilement à livrer au public quelque nouveauté dont son répertoire a pourtant un si grand besoin, vient de donner la Magicienne, grand opéra en cinq actes, qu’on étudiait depuis huit mois. Il y a, au milieu d’une nation aussi incroyablement mobile que la nation française, qui fait des révolutions politiques par simple passe-temps, des choses qui persistent et qui bravent l’ennui de tous et l’opinion des hommes les plus éclairés. Parmi ces choses futiles contre lesquelles vient se briser même la volonté des gouvernemens, il faut citer ce qu’on appelle depuis Louis XIV la tragédie lyrique en cinq actes, avec ses pompes, ses fredons et sa fausse grandeur. La société française a changé de fond en comble, la littérature a subi des modifications profondes, la musique a produit ses plus grands miracles ; mais la tragédie lyrique est restée la même, avec ses beautés de convention, qui ne trompent et n’amusent personne. Entre Robert le Diable, la Juive, Guillaume Tell, la Vestale, les Iphigénies de Gluck et les opéras de Rameau et de Lulli, qui a planté et vu naître ce beau rosier, il n’y a de différence que le génie du compositeur et les accidens de mise en scène. La poétique du genre est restée invariable. Il s’agit toujours d’un pompeux galimatias, d’une fable impossible, où les mots âme, flamme, ma foi, etc., sont prononcés par des pantins vivans qui s’épuisent à pousser des cris de forcenés. Ni l’oreille, ni l’esprit, ni le cœur ne se trouvent satisfaits d’un pareil spectacle, le plus triste auquel on puisse convier des êtres intelligens. On sort d’une représentation de l’Opéra, qui vous a tenu pendant cinq heures cloué sur une stalle étroite, où l’on ne peut livrer passage à son voisin sans se laisser écorcher les genoux, hébété de fatigue, de bruit et de lumière. Tout le monde est d’accord sur l’ennui mortel qu’on emporte d’une représentation de l’Opéra, où tout est factice, depuis ces monstres qui pirouettent et grimacent sur la scène jusqu’à ces êtres sans nom qui remplissent le parterre, et qui vous assourdissent de leurs froides et injurieuses acclamations. Eh bien ! il ne se rencontre pas un homme assez hardi pour réformer un genre de plaisir qui est devenu un supplice coûteux ; il n’y a pas un directeur qui ose porter la main sur cette vaste machine détraquée, où la musique n’est qu’un accessoire importun dont les spectateurs se passeraient fort bien.
Ce n’est pas la Magicienne qui fera cette révolution tant désirée à l’Opéra par tout ce qui a un peu de goût et de sens commun. Cette machine lyrique en cinq actes et plusieurs tableaux est conçue selon l’usage antique et mortellement solennel. Le merveilleux s’y combine fort mal avec la peinture des caractères humains ; le ciel, la terre et l’enfer s’entre-choquent dans un chaos qui ressemble beaucoup au chaos dont parlent les vieilles théogonies, « avant la naissance de l’Amour. » Le sujet est tiré d’une légende populaire qui remonte au XIe siècle et même au-delà, car la fée Mélusine est d’origine gauloise et appartient au merveilleux de la race celtique. Absorbée et sanctifiée par le christianisme, Mélusine est devenue le génie familier de plusieurs grandes familles féodales, entre autres de la famille de Lusignan, qui a régné à Jérusalem. « Deux versions existent, dit M. de Saint-Georges dans