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hauteur, il ne reste plus trace d’un cirque primitif. Les roches éruptives débordent celles qu’elles avaient d’abord soulevées et rompues, et s’amassent sous forme d’immenses dômes et de cloches rarement percés par un cratère. C’est dans cette catégorie que rentrent les magnifiques volcans des Andes, dont les sommets sont couverts de neiges éternelles.

M. de Humboldt donne la hauteur exacte des principaux volcans connus. L’élévation des montagnes ignivomes est extrêmement variable. La plus basse se trouve au Japon dans l’île Kolima et a seulement 700 pieds de hauteur ; la plus élevée de toutes celles que l’on connaisse est le Sahama, qui fait partie des Andes de la Bolivie, et dont Pentland estime la hauteur à 20,970 pieds. La comparaison des volcans de la Méditerranée, de Stromboli, du Vésuve et de l’Etna avait fait croire pendant longtemps qu’ils ont des éruptions d’autant plus fréquentes qu’ils sont moins élevés ; mais M. de Humboldt cite des exemples qui démontrent la fausseté de cette opinion. Le gigantesque volcan Sangay, qui domine le plateau de Quito, a été mesuré jadis par Bouguer et La Condamine. Bien qu’il atteigne 16,000 pieds, il est dans un état continuel d’irritation, tout à fait semblable à celui qui, depuis Homère jusqu’à nos jours, a été observé au Stromboli, qui ne dépasse point 2,775 pieds.

Les développemens que M. de Humboldt consacre à la géographie des volcans présentent un intérêt d’autant plus vif, qu’il n’a voulu accepter aucun document, aucune nomenclature de seconde main, et a toujours pris la peine de remonter aux sources originales. Cette œuvre de patiente érudition est fréquemment relevée par de curieux détails, dont les plus piquans sont surtout empruntés à l’ancienne littérature espagnole. Les magnifiques contrées qui furent envahies par les conquistadores ne pouvaient manquer de faire une vive impression sur l’imagination de ces aventuriers audacieux ; mais on verra dans le récit suivant que le spectacle des Andes, des Cordillères et de leurs volcans excita dans leur esprit une curiosité qui n’avait rien de scientifique.

« Le volcan de Masaya, dont, sous le nom de l’Enfer de Masaya, la réputation s’était répandue au loin dès le commencement du XVIe siècle et fut l’objet de rapports adressés à l’empereur Charles-Quint, est situé entre les deux lacs de Nicaragua et de Managua, au sud-ouest du ravissant village indien Rindiri. Au mois de juin 1529, l’historien espagnol Gonzales Fernando de Oviedo en fit le premier l’ascension, qui fut tentée huit ans après lui par le moine dominicain fray Blas de Castillo. Partageant la croyance absurde que la lave fluide du cratère était de l’or fondu, fray Blas s’adjoignit un moine franciscain des Flandres aussi avide que lui, fray Juan de Gandavo. Tous deux, mettant à profit la crédulité des émigrans espagnols, fondèrent une société par actions pour retirer le précieux métal à frais communs. Eux-mêmes, ajoute le satirique Oviedo, se déclarèrent, en leur qualité d’ecclésiastiques, dispensés de tout concours pécuniaire. Le rapport que fray Blas de Castillo envoya à l’évêque de Castillo del Oro, Thomas de Verlenga, pour raconter comment il accomplit son audacieuse entreprise, n’est connu que depuis la découverte faite en 1840 de l’ouvrage d’Oviedo sur Nicaragua. Fray Blas, qui avait auparavant servi sur un navire comme matelot, voulut employer la méthode des habitans des îles Canaries, qui se suspendent par une corde au-dessus de la mer pour recueillir sur des falaises à pic