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reconnaître les harmonies de la nature animée, il faut considérer la terre à l’état de simple planète, la mesurer, la peser, l’envisager comme un vaste aimant, comme un foyer de chaleur, telle en un mot qu’elle nous apparaîtrait si toute vie végétale ou animale se trouvait anéantie, et si le repos de la surface n’était troublé que par les tremblemens de terre et les éruptions volcaniques. Cette étude générale de ce que l’on pourrait nommer les fonctions terrestres vient d’être accomplie par M. de Humboldt, et nous allons en noter les résultats principaux.

Si l’on se propose d’étudier la terre au point de vue le plus général, il faut avant tout en déterminer la forme, les dimensions, la densité. Quand les astronomes mesurent la figure de notre globe, ils ne tiennent pas compte des inégalités que présentent les continens et le lit des mers : ils supposent les terres rasées au niveau de l’océan, et ne s’occupent que de ce niveau lui-même. La surface théorique d’un tel sphéroïde serait un ellipsoïde de révolution, c’est-à-dire que chaque méridien aurait la forme d’une ellipse : la différence de l’axe équatorial et de l’axe polaire, due au mouvement de rotation diurne, détermine ce que l’on nomme l’aplatissement. Quand on admet que la surface des eaux tranquilles en équilibre sur le globe est un ellipsoïde de révolution parfait, on fait une hypothèse qui n’est pas absolument exacte. Il n’y a pas, en réalité, deux méridiens qui soient identiquement égaux en longueur, et l’on peut dès aujourd’hui hardiment affirmer que ni l’équateur ni les parallèles terrestres ne sont des cercles parfaits. L’Académie des Sciences de Paris prit l’initiative des premiers travaux destinés à mesurer la terre. Vers la moitié du XVIIe siècle, Richer trouva que le pendule à secondes est un peu plus court à Cayenne qu’à Paris, et confirma ainsi les vues profondes de Newton et d’Huyghens sur la diminution de la pesanteur à l’équateur et sur l’aplatissement de la terre au pôle. Pour en obtenir des preuves directes, La Condamine et Bouguer allèrent mesurer un arc de trois degrés à Quito, Maupertuis et Clairaut un arc d’un degré sous le cercle polaire en Suède, près de Tornea. À la fin du siècle dernier, ces tentatives se multiplièrent : des arcs, encore peu étendus il est vrai, mais placés à des latitudes très diverses, furent mesurés par Lacaille au cap de Bonne-Espérance, les jésuites Lemaire et Boscowich aux États-Romains, Liesganig en Autriche et en Hongrie, Mason et Dixon en Pensylvanie, Beccaria près de Turin, et Reuben Burrow dans le Bengale. En même temps notre Académie des Sciences entreprenait cette longue triangulation qui, commencée par Delambre et Méchain, fut terminée en 1808 par Biot et Arago, et comprend plus de douze degrés en latitude.

Au commencement de ce siècle, Svanberg corrigeait en Suède les premières mesures de Maupertuis, que des déterminations astronomiques douteuses ne permettaient plus de conserver, et l’on commençait en Angleterre une triangulation qui aujourd’hui est terminée sur deux arcs de méridien, dont le plus long comprend dix degrés de latitude, de l’île de Wight aux îles Shetland. En rattachant la chaîne des triangles français à celle de l’Angleterre, on a déterminé la longueur d’un arc qui n’a pas moins de vingt-deux degrés, depuis les Baléares jusqu’aux Shetland. Les tronçons mesurés en Allemagne par Schumacher et Gauss, par Bessel et Baeyer, n’ont pas une grande longueur ; mais ces opérations, quoique de peu d’étendue, ont