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Les étoiles du ciel, qu’on voyait par momens
Semaient leur nid caché de pâles diamans

Elle resta longtemps immobile en silence ;
Elle sentit sur elle un long frisson courir.
Tout son être fléchit sous un bonheur immense,
Si profond et si doux qu’elle eût aimé mourir.
Cet instant contenait des siècles d’existence,
Et, sans changer de pose, elle ferma les yeux :
Pour le revoir en elle et le savourer mieux.

Mais Djérid doucement lui releva la tête
Et lui dit en posant un baiser sur son front :
« O mon âme ! ouvre encor tes yeux où se reflète
Comme en un clair miroir ton cœur tendre et profond !
Parle aussi, mon ivresse en sera plus complète. »
— Alors, ouvrant, sur lui ses grands yeux languissans,
Elle lui fit tout bas entendre ces accens :

« Ah ! n’est-ce pas un rêve ? Est-ce bien toi, toi-même,
Djérid ! à mon amour le ciel t’a-t-il rendu ?
Ah ! tu sais, n’est-ce pas ? tu sens combien je t’aime,
Comme je t’ai longtemps et sans cesse attendu !
Dieu me devait cette heure et ce bonheur suprême. »
— Et se faisant tous deux un collier de leurs bras,
Ils restèrent longtemps à se parler tout bas.

Bientôt à l’orient une lueur d’opale
Nuança l’horizon à demi transparent ;
La nuit parut verser une teinte plus pâle
Sur les arbres touffus de l’asile odorant
Qui dérobait aux yeux la couche nuptiale.
Mais, plongés tous les deux dans leur doux entretien,
Ils oubliaient le monde et ne remarquaient rien.

Sur leur couche de fleurs, Aïna la première
Secoua la torpeur de cet enivrement.
« Djérid, dit-elle enfin, soulève ta paupière,
Une lueur blanchit le bord du firmament :
Serait-ce déjà l’aube et sa pâle lumière ?
— Non, répondait Djérid, non, c’est à l’horizon
La lune qui descend et bleuit le gazon. »

Elle disait encor : « Mon oreille inquiète
Vient d’entendre le sable et frémir et crier ;
Un bruit sourd a troublé l’air dans la nuit muette,