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vernement britannique méconnaissait le généreux enthousiasme. On sait que la Grande-Bretagne ne persista pas dans cette politique peu conforme aux opinions qui régnaient alors en Occident, et qu’elle finit par embrasser la cause des Grecs.

Le canon de Navarin retentit jusqu’à Corfou. Après avoir tant fait pour la liberté de la Grèce, il était difficile que les Anglais n’abandonnassent pas dans les Iles-Ioniennes les traditions de la sainte alliance. Rien pourtant n’annonçait qu’ils fussent disposés aux concessions impérieusement réclamées par les circonstances ; mais l’agitation générale finit par éclater dans les délibérations du parlement, jusqu’alors si docile. Les événemens de 1848 aggravèrent cette agitation. On comprit qu’il était temps d’accorder un régime vraiment constitutionnel, et la réforme fut accomplie en 1850. La liberté de la presse et des élections, l’établissement du scrutin secret, étaient des mesures trop importantes pour ne pas modifier la situation de la république. Dans la première ardeur de la liberté reconquise, la presse indigène ne se piqua point de modération. Non-seulement elle discuta sans miséricorde tous les actes du régime qui venait de succomber, mais, comme cela arrive toujours chez les méridionaux, elle mêla aux questions de principes ces déplorables polémiques personnelles qui compromettent souvent les meilleures causes. Au lieu de travailler à l’éducation politique d’un pays privé depuis longtemps de l’exercice de ses droits, elle perdit un temps précieux à déclamer contre les « protecteurs » et contre ceux des Ioniens qui s’étaient, à son avis, montrés trop complaisans pour la Grande-Bretagne. Les esprits étaient tellement échauffés que les premières élections libres ne s’accomplirent pas sans tumulte, surtout à Céphalonie. Dans cette île, le parti radical, qui voulait chasser immédiatement les Anglais, était représenté par des orateurs enthousiastes ; mais les luttes qu’il eut à soutenir diminuèrent considérablement le nombre de ses adhérens. Beaucoup de radicaux passèrent dans les rangs des réformistes, qui se proposaient pour but d’obtenir sans révolution toutes les améliorations possibles. Le parti gouvernemental, plus modeste encore dans ses prétentions, visait surtout et vise encore à occuper les sièges du sénat ou d’autres positions bien rétribuées. Les théories radicales étaient défendues par le Φιλελεύθερος (Phileleutheros) (Ami de la Liberté). Les réformistes ou modérés avaient pour organe la Πατρὶς (Patris) (Patrie), dont les principaux rédacteurs étaient M. Napoléon Zambelli et Pierre Braïla.

L’autorité anglaise, ne tarda point à se repentir des concessions faites aux Ioniens. Ceux-ci se plaignirent plus d’une fois des entraves imposées à une presse qu’on avait déclarée libre, et de la falsification des listes électorales. L’exil de quelques publicistes n’était pas