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et aux sympathies, et qui ne s’appuient sur aucune raison fournie par la science accréditée. Sur ces choses, les récits sont étranges et nombreux, les hommes étant portés en tout temps à multiplier les merveilles, et les savans traitant volontiers les substances admirables comme les historiens traitent les personnages éminens, à qui ils attribuent en vertu de leurs hauts faits maints autres actes qui ne sont pas seulement faux, mais impossibles, et dont la relation dépasse autant la réalité que le héros lui-même a dépassé les autres hommes. Parmi ces récits, nous en mentionnerons brièvement quelques-uns, qui sont faits par des auteurs de bon renom, afin que par eux nous puissions montrer les inventions des uns, la simplicité crédule des autres, et le grand tort que les uns et les autres font à la vérité en accroissant le nombre des obscurités dans la nature et en préconisant des qualités secrètes qui sont fausses, tandis que pour les sages esprits c’est déjà un sujet de honte qu’il en reste tant de vraies. »

À l’égard des causes finales, Browne se tient dans le juste milieu où est, je crois, la raison. Il n’est pas de ceux qui ne sont jamais égarés par leurs rêveries sur les intentions divines, parce qu’il ne leur vient aucune réflexion à cet égard, et qui ont la sagesse de ne pas dépasser les conclusions fondées sur des observations, parce que leur esprit est incapable de s’élancer au-delà. Son esprit à lui n’est ni épuisé, ni satisfait en arrivant aux limites que sa science ne peut franchir, et, après avoir vérifié ce qui est vérifiable, il use encore de tous ses autres droits : il exerce largement toutes les forces qu’il possède pour admirer, présumer, s’interroger sur les origines et les destinations. S’agit-il de la bizarre croyance que les oursons viennent au monde comme une masse informe de chair, et que c’est la mère qui leur donne en les léchant la figure de son espèce, il s’abandonne à l’émotion qui lui dicte cette magnifique page :


« Les hommes font là un grand outrage aux mains de Dieu en attribuant à la langue d’une bête ce qui est, de tous les actes de la nature, le plus sur prenant chef-d’œuvre, je veux dire la formation du jeune être dans la matrice, et cela non-seulement chez l’homme, mais encore chez tous les vivipares. Avec une matière qui paraît homogène et de substance similaire, la puissance plastique ou formative édifie des os, des membranes, des artères, et avec ces élémens elle sait façonner chaque partie en la formant, pour le nombre, la place et la figure, suivant les lois de l’espèce ; — ce qui est si loin d’être l’ouvrage d’un agent extérieur, qu’une partie omise ou déformée par une méprise du Phidias intérieur ne saurait être restituée par qui que ce soit et quoi que ce soit au monde. Et en conséquence les paroles : Mire une plasmaverunt manus tux, quoiqu’elles aient rapport à la génération de l’homme, peuvent également s’appliquer à celle des animaux, qui tous, après