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n’y en a qu’un, dit-il, dans chaque classe, il est dangereux de vouloir le déterminer, et il ne faut pas le tenter sans grande circonspection. » Il n’aime pas les généralités et les axiomes qui, en s’appuyant sur les analogies, négligent la différence des choses. Parlant des mouvemens des astres et du calendrier qu’on a voulu y chercher pour régler les travaux de l’agriculture, il remarque que « ces signes ne doivent pas être pris en considération absolue, d’autant qu’entre ce monde inférieur et le monde supérieur, et même entre telle chose de l’un et telle chose de l’autre, les rapports sont si particuliers et si compliqués que toute règle générale est dangereuse, et que le plus sûr est de marcher avec la précaution des circonstances. » C’est ainsi qu’il marche toujours, en portant autour de lui des yeux qui sont assez larges pour embrasser la variété infinie et l’incessante mobilité des élémens de la création. Si la sagesse pouvait s’apprendre uniquement par des préceptes, la Pseudodoxia fournirait assez de leçons pour l’enseigner. Dans un chapitre où l’auteur cherche à évaluer la population de la terre avant le déluge, il termine ainsi ses calculs : « J’ai énoncé quelques idées personnelles et vraisemblables touchant cette question ; mais quant à en trouver la solution certaine, cela n’appartient qu’à l’arithmétique du jugement dernier, et pour notre part nous ne devons pas espérer plus de science sur ce point que n’en peuvent donner la raison et les probabilités. Il serait a désirer seulement que les hommes ne dévorassent pas les choses douteuses comme des certitudes, et ne prissent pas pour des principes les propositions essentiellement contestables. Il s’agit en effet pour nous d’adhérer dubitativement, et d’une manière présomptive, à ce qui n’est que présumable, vu qu’il est sensé pour chaque homme de varier ses opinions suivant les variations de sa raison et d’affirmer un jour ce qu’il a nié l’autre. De la sorte, en dernier terme, si nous manquons la vérité, au moins mourons-nous dans des erreurs innocentes et inoffensives, ayant donné notre assentiment à ce qui nous était recommandé par notre raison et nos honnêtes enquêtes. »

Ce qu’on attendrait moins peut-être du tempérament de Browne, c’est sa ferme attitude sur les deux questions qui sont les plus glissantes pour les natures imaginatives aussi bien que pour les époques qui débutent dans les sciences d’observation en n’ayant encore que des observations nébuleuses et mal comprises : je veux parler de la question des propriétés secrètes et de celle des causes finales.

Il nous est malaisé de concevoir exactement ce qu’on entendait par une propriété occulte. L’idée que l’on rendait par ce mot tenait à des notions que nous n’avons plus, et supposait l’absence de toutes les notions que nous avons. Pour notre chimie moderne, qui ne