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qui en fait le partage de tout le règne végétal. Il sait qu’un fil de fer rougi au feu et refroidi dans une position verticale acquiert la propriété de se redresser par lui-même en portant vers le ciel la pointe qui regardait le ciel pendant le refroidissement. Dès lors, l’esprit tout obsédé par l’idée de cette propriété, il croit la revoir dans les bâtons qu’on plonge au fond de l’eau pour les laisser ensuite remonter librement à la surface. Suivant lui, l’extrémité du bâton, qui pendant qu’il était une branche croissait au sommet, est précisément celle qui revient la première au-dessus de l’eau. Pour couronner l’œuvre, voici Eusebius Nurembergius, un docte jésuite espagnol, qui vient soutenir que nous sommes nous-mêmes des aimans, et qu’un bateau portant un homme étendu de tout son long ne peut rester en repos tant que le bord où s’appuie la tête ne s’est point tourné vers le nord. Dans une autre direction, l’épanouissement des hypothèses n’est pas moins vigoureux. Nous apprenons par AEtius, Marcellus Empiricus et d’autres médecins, que l’aimant tenu dans la main guérit les podagres, que, porté en amulette, il est un remède contre le mal de tête, que, réduit en poudre et mêlé à un emplâtre, il fait sortir du corps les pointes de flèche et les balles. Selon Dioscoride, il veille sur la fidélité conjugale : la femme incontinente ne peut rester au lit quand on en place un fragment sous son oreiller. Suivant Albert et notre compatriote Marbodeus, il est l’ami des voleurs : allumez des feux aux quatre coins d’une maison, puis jetez sur les flammes un peu d’aimant, — aussitôt il s’élèvera une fumée qui mettra en fuite les habitans du lieu, et vous pourrez piller à l’aise. Quant à Cardan, nous connaissons par lui le fameux aimant de Laurentius Guascus qui communiquait aux aiguilles et aux armes le don de faire des blessures insensibles. La légende de l’aimant avait du reste commencé de bonne heure : Orphée rapportait déjà comment un aimant aspergé d’eau répondait avec une voix d’enfant aux questions qu’on lui adressait.

Après avoir achevé la revue des erreurs relatives aux minéraux, Browne examine successivement celles qui ont trait au règne végétal, au règne animal, et enfin à l’homme. Le voyage qu’il nous fait faire dans ces régions chimériques de l’histoire naturelle est rempli de péripéties. Il semble par momens que l’on descende dans un hadès où grouille dans l’ombre la paléontologie ressuscitée de l’esprit humain, et où à chaque pas on se sent frôler par les revenans les plus informes. Ici c’est le phénix qui renaît de ses cendres à côté du griffon qui promène sa tête d’aigle sur des épaules de lion ; là c’est la salamandre qui s’ébat dans le feu, tandis que le serpent amphisbœne, au corps boulonné de deux têtes, ne sait où est son occident et son orient. Plus loin apparaît le terrible basilic, le roi