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jeter en prison le cardinal de Volterra, auquel il donna des juges, Passant bientôt d’une direction sous une autre, le pontife, défiant et troublé, rappela auprès de lui le cardinal Jules de Médicis, qui rentra triomphalement dans Rome et vint y conduire la politique du saint-siège[1].

Dès ce moment, Adrien VI ne tint plus la balance égale entre les deux souverains, et se porta tout d’un côté. Les Turcs s’étaient rendus maîtres de Rhodes à la fin de 1522, malgré l’opiniâtre et glorieuse défense des chevaliers. Dans la nécessité de plus en plus urgente à ses yeux de résister à Soliman, il voulut réunir contre lui tous les monarques chrétiens, et pour cela forcer les deux principaux d’entre eux à accepter une trêve. Cette trêve aurait maintenu l’état territorial tel qu’il existait alors, et ne l’aurait pas rétabli comme il était avant la guerre. Elle ne pouvait pas convenir à François Ier, dont elle aurait consacré la dépossession. Aussi Adrien VI songeait-il à la lui imposer, en le menaçant, s’il s’y refusait, de le frapper des censures ecclésiastiques[2].

Le roi de France n’entendit pas souscrire ainsi, sur l’ordre d’un pape, à l’abandon du Milanais, et il se révolta à la menace d’une excommunication. Il écrivit au souverain pontife en s’étonnant que ceux qui lui conseillaient d’exiger aussi impérieusement cette trêve[3]n’en eussent pas été d’avis lorsque le pape Léon lui faisait la guerre à Milan, et que le Turc assiégeait Belgrade. « Mais, ajouta-t-il, le pape Léon aimoit mieux dépenser l’argent de l’église contre les chrétiens et le devoir de sa profession que contre les infidèles. » Il adressa ensuite à Adrien ces fières paroles : « S’il étoit loisible aux papes de facilement excommunier les rois et princes, ce seroit de mauvaise conséquence, et croyons que les magnanimes qui préfèrent leur prééminence à leur proufit particulier ne le trouveront bon. Et de notre part, nous avons privilèges concédés à nos ancêtres qui ont coûté bien chier et jusques au sang de nos subjectz, lesquels ne souffriront si facilement être rompus, ains jusques à la dernière goutte de leur sang les défendront. » Rappelant ce qui s’était passé à cet égard entre le saint-siège et la couronne de France au commencement du XIVe siècle, il employa cette phrase laconiquement menaçante : « Pape Boniface VIII l’entreprit

  1. Guicc, lib. XV. — P. Jovius, Vita Hadriani VI, c. XIV. — Belcarius, Commentarii, etc., fol. 511.
  2. « D’autre part avons sceu qu’aviez délibéré faire une trefve triennalle avec censures, que nous avons trouvé fort estrange. » Lettre de François Ier au pape Adrien VI, mss. Béthune, vol. 8527, fol. 1, sqq.
  3. « Chascun dit que celle que vostre saincteté veult faire par leur conseil se faict sous la couleur du Turc, mais en vérité c’est contre nous. » Ibid.