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les instances contraires des deux souverains jeté dans des perplexités douloureuses. L’empereur le pressait de s’unir à lui ; François Ier le sollicitait de se prononcer pour la restitution de la Lombardie. « Nous sommes prêts, écrivait-il à Rome, de faire paix ou trêve et de venir à grosse puissance contre le Turc, pourvu que Milan, qui est notre patrimoine, dont indûment avons été spoliés, nous soit rendu[1]. » Il disait au cardinal d’Aux et au cardinal de Como, investis de ses pouvoirs, et chargés de poursuivre cette négociation auprès du saint père, « qu’il était assez fort non-seulement pour se défendre, mais pour offenser ses ennemis, qu’il avait trois mille cinq cents hommes d’armes payés pour un an, la solde de trente à quarante mille hommes de pied et trois bandes d’artillerie. » Il n’admettait que des arrangemens conformes au traité de Noyon avec l’empereur, auquel il rendrait Fontarabie et qui lui remettrait Milan, et au traité de Londres avec le roi d’Angleterre, qu’il paierait de ce qui lui était dû au moyen de ce que Charles-Quint devait et acquitterait en retour de la cession de Naples. Il semblait moins tenir qu’il ne l’avait fait jusqu’alors à une compensation pour le royaume de Navarre. Des prétentions pareilles n’avaient aucune chance d’être admises ; la défaite les avait annulées, la victoire seule pouvait les faire revivre.

Adrien était fort embarrassé. Très pieux, peu habile, éminent par la doctrine, incertain dans la conduite, il ne savait ni se diriger ni se résoudre. Il avait d’abord donné sa confiance au cardinal de Volterra, et il ne se montrait pas défavorable à François Ier[2]. Ce cardinal appartenait à la famille des Soderini, qui était opposée à la famille des Médicis, et dont le chef avait, de 1502 à 1512, gouverné comme gonfalonier de la république la ville de Florence, où s’était en ce moment retiré le cardinal Jules, que sa trop grande puissance avait rendu suspect à Rome. Ce dernier cependant fut bientôt tiré de sa disgrâce par la découverte d’une correspondance que le cardinal de Volterra entretenait avec François Ier. Il surprit adroitement des lettres dans lesquelles le confident et le conseiller du pape engageait le roi de France à ne rien céder, et l’excitait à attaquer l’empereur en Sicile, afin de l’obliger à abandonner Milan. Ces lettres furent mises sous les yeux d’Adrien, qui se crut trahi. Il fit

  1. Instructions pour MM. les cardinaux d’Aux et de Cosme, Blois 11 août 1522. — Archives impériales, sect. hist., J. 965, liasse 5, n° 3.
  2. Dépêches de Rome écrites par l’évêque de Bath à Wolsey. — State Papers, vol. VI, p. 123-124. — « Il papa è inclinatissimo alla pace, et molto ha pigliato in protettione le cose di Francia, non senza mormoratione de gl’ imperiali, et praecipue di don Giovanni Emanuel, il quale si parti mezo disperato. » Lettere di principi alli 10 di décembre 1522, t. Ier, p. 109, v°.