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avons écrit à tout le sacré collège, et aux divers cardinaux en particulier, pour les exhorter à donner à la république chrétienne le pontife qui paraîtrait lui convenir le mieux, et à placer le gouvernail de la barque de saint Pierre, depuis longtemps ballottée sur les flots de la haute mer, entre les mains d’un pilote qui, par sa vertu, sa foi, son art et son adresse, sût la tirer du milieu des tempêtes et la conduisît enfin au port du salut. À notre jugement, le cardinal d’York est l’homme le plus digne du grand office pastoral. Outre sa singulière prudence et la longue habileté qu’il a acquise dans la conduite des affaires, il se recommande par les nombreuses vertus dont il est orné. Faites donc diligemment et avec dextérité, en notre nom et d’accord avec l’ambassadeur du sérénissime roi d’Angleterre notre oncle, tout ce qu’il faudra, soit auprès du conclave, soit auprès de chaque cardinal, pour que nous arrivions à cette fin désirée[1]. »

Les recommandations de l’empereur, fussent-elles sincères, ne pouvaient pas être efficaces. L’éloignement où il était de Rome lui avait fait apprendre trop tard la mort de Léon X pour qu’il intervînt assez tôt dans le choix de son successeur. D’ailleurs se souciait-il beaucoup de voir monter au trône pontifical le cardinal d’York, et ne trompait-il pas ce grand trompeur ? Au fond, il souhaitait l’élection d’un Italien du parti impérial, et par-dessus tout celle du cardinal Jules de Médicis, qui aurait maintenu activement dans son alliance et le saint-siège et la république de Florence.

Le parti impérial était le plus puissant dans le conclave. François Ier n’y disposait que de dix à douze voix. Ce prince voulait surtout écarter du pontificat un cardinal qui serait dévoué à son adversaire ; mais il ne conservait pas beaucoup d’espérance. Il savait par quelles intrigues intéressées et d’après quelles combinaisons ambitieuses se décidaient les promotions pontificales. Aussi l’ambassadeur du roi d’Angleterre, qui n’avait pas encore rompu avec lui, ayant en sa présence exprimé le vœu que les cardinaux fussent éclairés par le Saint-Esprit en élisant le nouveau pape, il ne put s’empêcher de lui dire : « Ce n’est guère la coutume à Rome de donner des voix d’après l’inspiration du Saint-Esprit[2]. » Il redoutait beaucoup la nomination du cardinal de Médicis, qui avait conduit, la croix pontificale en tête, les troupes de la ligue dans l’invasion du Milanais, et qui aurait continué contre lui la politique hostile de Léon X. Il lui donnait donc l’exclusion formelle, et il avait écrit que, si le cardinal. Jules était élu, « ni lui ni aucun de ses sujets n’obéiraient plus au saint-siège. »

  1. Lettre latine de Charles-Quint à son ambassadeur à Rome, 30 décembre 1521. — Copie envoyée à Wolsey et déposée au Musée britannique, Vitell. B., IV, fol. 222.
  2. Th. Cheyney à Wolsey, janvier 1522, dans Bréquigny, vol. 89.