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comme elles l’étaient du temps d’Alexandre, entourées d’un enclos formé par de massives murailles ? Le temple de Jérusalem était entouré d’un double enclos, de deux enceintes de murailles, et ces deux barrières, converties en forteresses, n’opposèrent pas moins de résistance aux soldats de Titus que ne l’avaient fait les remparts extérieurs de la ville. Quant aux petits enclos circulaires qui se trouvent dans les ruines américaines, il est permis de supposer qu’ils servaient, soit d’habitation aux ministres du culte, soit de charnier pour les victimes.

Il est en Amérique une autre espèce de monumens religieux plus curieux encore : ce sont des exhaussemens de terre, dont les contours dessinés avec une remarquable netteté imitent manifestement des formes de reptiles, d’oiseaux, de quadrupèdes, et quelquefois d’hommes. Quelques-uns ont 170 mètres de long. Le relief au-dessus des terres environnantes a quelquefois 5 mètres de haut. Dans le Wisconsin, à 27 kilomètres de l’endroit appelé les Quatre-Lacs, on voit un groupe de seize figures : une effigie d’homme, six de quadrupèdes, neuf autres entassemens de terre, dont sept sont en forme de parallélogramme et deux s’élèvent en pyramide. Ces seize monumens sont rangés sur deux lignes, ils comprennent un espace d’un kilomètre et demi de long sur un kilomètre de large. L’effigie du corps humain est placée vers le centre de la ligne la plus courte. Les bras étendus mesurent 46 mètres ; les jambes sont écartées, et depuis leur extrémité jusqu’au sommet de la tête, la longueur est de 42 mètres. La tête est tournée vers l’ouest, et s’élève en relief plus que le reste du corps. Les six quadrupèdes ressemblent à des ours ; les plus gros ont 40 mètres de large, et les plus petits en ont 30.

Sur ce même territoire du Wisconsin, à 15 kilomètres de Madison, s’élèvent également en plein relief deux figures de quadrupèdes, tournées toutes les deux vers le nord, l’une à la suite de l’autre, et séparées aujourd’hui par une grande route. Elles ont 37 mètres de long, et l’expression d’agilité et de souplesse qui ressort de leurs proportions les fait ressembler à l’espèce de tigre américain qui se perpétue encore dans ces contrées. Des fouilles pratiquées à l’intérieur de ces éminences ont prouvé qu’elles renferment des ossemens humains d’une grande antiquité. Aussi suppose-t-on qu’elles ont été construites pour servir de tombeaux, que les anciens habitans de ces contrées étaient divisés en tribus, comme le sont les Indiens de nos jours, que chaque tribu adoptait pour symbole la figure d’un animal, et qu’elle traçait les dimensions de son cimetière d’après la forme de cet écusson. Aujourd’hui les Indiens ne construisent plus de monumens semblables, mais ils vont habituellement déposer dans ces anciens sépulcres leurs parens décédés. Ces inhumations, continuées depuis des siècles sans qu’on se préoccupe de conserver ou de rétablir les formes primitives des anciens ouvrages, en ont défiguré un grand nombre. Ceux qui restent encore intacts sont exposés à des dangers non moins grands de la part des colons qui défrichent rapidement ces contrées, et qui, plus soucieux de l’abondance des récoltes que de la conservation des antiquités, les nivellent sous le soc de la charrue. Ce n’est donc pas sans raison que l’Institut smithsonien s’est hâté de décrire et de dessiner ces monumens. Encore quelques années, et il ne serait plus temps. On peut en dire autant des enclos sacrés qui se trouvent sur