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camp retranché. Sur toute la circonférence s’étend une ligne volumineuse de pierres entassées qui ressemble assez aux digues de nos chemins de fer élevées dans les terrains marécageux. Aujourd’hui ce rempart éboulé a de 5 à 6 mètres de large sur 3 de haut, proportions qui étaient sans doute en sens inverse, lorsqu’il fut construit. Sur plusieurs points, on reconnaît que les pierres avaient été disposées avec ordre et qu’elles formaient, au moins du côté extérieur, une façade unie et perpendiculaire. Ce retranchement démoli suit les flancs de la montagne, et la masse des matériaux est visiblement plus considérable aux endroits les moins escarpés. Du côté de l’ouest, l’enceinte se trouve interrompue sur un espace d’environ 100 mètres, parce qu’un grand précipice rend cet endroit inaccessible. Le côté du sud, qui est d’un abord plus facile, présente trois espaces libres de 2 mètres et demi de large : ils devaient servir de portes. Le mur se recourbe en angles rentrans à la droite et à la gauche de chaque ouverture, pour en rendre la défense plus facile. On remarque deux autres entrées, l’une du côté de l’est, l’autre à l’extrémité du nord. Au voisinage de ces ouvertures, le rempart devait être beaucoup plus élevé, puisque l’entassement des pierres y est quatre fois plus considérable que partout ailleurs. Sur trois points culminans, et qui devaient être aperçus des contrées environnantes, les pierres sont calcinées et en partie vitrifiées. Elles ont dû servir de foyers à des feux très intenses, destinés sans doute, soit à donner des signaux à ceux du dehors, soit à prémunir ceux du dedans contre les surprises nocturnes. Cette forteresse avait 4 kilomètres de pourtour ; elle comprenait une aire de 57 hectares, et pouvait contenir des tentes ou des habitations pour plus de soixante mille personnes. Qu’une pareille construction dût servir à mettre en sûreté les habitans du pays et à les protéger contre des agressions formidables, c’est ce qui est démontré, non-seulement par la hauteur de la position et les difficultés des approches, mais par les dispositions des murailles, des ouvertures, et les autres particularités que nous venons de remarquer.

Sur un plateau voisin de la ville de Chillicothe, on voit les ruines d’une forteresse de même importance. Le contour en est fort irrégulier. L’établissement était muni à l’intérieur de deux fossés parallèles séparés par une digue continue, où pouvaient s’établir des gardes pour repousser encore les assaillans, alors même qu’ils avaient franchi le grand mur de défense. Les sinuosités de ce rempart, en se repliant tour à tour en dedans et en dehors, offraient les avantages que nos citadelles retirent de leurs angles alternativement sortans et rentrans. Ce camp retranché, connu sous le nom de Fort-Hill, est entouré de grands cours d’eau et commande les vallées voisines. Il contient plusieurs lacs qui ne tarissent en aucune saison.

Dans une autre de ces forteresses, qui n’est distante de la ville d’Hamilton que de 4 kilomètres, on remarque de grands travaux destinés à défendre l’ouverture du nord, qui devait servir de porte. C’est un labyrinthe de fossés, dominé par neuf remparts concentriques Les autres ouvertures offrent des combinaisons de fossés et de boulevards différentes, mais, non moins ingénieuses et pareillement inexpugnables. À la faveur de ces thermopyles artificielles, 800 hommes armés de projectiles auraient suffi pour arrêter des multitudes d’ennemis sans avoir à redouter d’être pris à revers.