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elle la tend avec raideur entre les deux poteaux, puis, armée d’instrumens aussi variés que ceux de nos tanneries, elle fait subir à la peau des opérations diverses, et parvient à lui donner autant de souplesse que de solidité. Une autre fait aussi le métier de corroyeur, mais par un procédé tout différent. Elle soumet la peau de bison à l’action de la fumée, afin de la rendre plus sèche et plus moelleuse. La peau, déployée au-dessus d’un fourneau pratiqué en terre, reçoit les vapeurs brûlantes qui l’imprègnent, bouchent les pores, et la rendent entièrement imperméable.

À côté de ces occupations, qui exigent de la force, s’en présentent d’autres qui demandent plus de goût et plus de dextérité. Ici c’est une jeune fille qui tresse une filoche élégante pour recouvrir le carquois de son amant. Cette autre assortit des glands de différentes couleurs pour en parer la poignée d’une massue ou le fourreau d’un poignard. Ailleurs on prépare des engins pour la pêche. Ce qui réclame le plus de soin, ce sont les espèces de brodequins qu’on appelle mocassins. Ces peuples chasseurs, comme les héros d’Homère, tiennent singulièrement à l’élégance de leurs chaussures. Chez les Algonquins, on les pare d’une garniture faite avec des piquans de porc-épic. Les Dacotahs les teignent en rouge. Les Achalaques y suspendent des osselets d’oiseau, qui, en se choquant les uns contre les autres, produisent un tintement assez semblable à celui des grelots. Chaque tribu adopte, pour cette partie de son costume, quelque signe particulier, et qui sert à la distinguer des autres. On fabrique encore, pour marcher sur la neige, un appareil qu’on appelle foule-neige, et qui mérite d’être remarqué. Par leur forme, ces foule-neige rappellent nos raquettes à volant. On les attache aux mocassins, et comme ils sont d’une bien plus grande dimension, ils s’enfoncent d’autant moins dans la neige, qu’ils font porter le poids du corps sur une base plus large. Du reste, ils sont si légers et s’attachent avec des cordonnets si lâches, qu’ils laissent aux muscles des pieds et des jambes une pleine liberté de mouvemens.

Les autres pièces d’habillement ne sont pas moins industrieusement façonnées. Ce sont des haut-de-chausses garnis de franges bariolées, des ceintures terminées par des filoches et des glands, des vestes adroitement composées de diverses fourrures, des coiffures où se nuancent les plumes les plus brillantes, des colliers minutieusement ornés de figures emblématiques, des calumets sculptés avec plus de patience que de goût, des pendans d’oreilles de forme et de volume étranges, qui doivent être singulièrement incommodes. Tous ces objets sont exécutés par les femmes.

Les occupations des femmes indiennes varient suivant les saisons. Nous avons parlé de leurs travaux d’hiver. Le retour du beau temps ne les trouve pas oisives. Il faut alors semer le maïs, le préserver de la voracité des oiseaux et des bêtes sauvages et le récolter. Il faut couper le bois, tresser les nattes et réparer les dégâts faits aux wigwams par les vents et les tempêtes. Leurs maris les regardent agir avec une parfaite insouciance. Rien n’est plus paresseux que le chasseur lorsqu’il est rentré chez lui. À la suite de ses fatigues, qui durent des mois entiers, l’Indien revenu au logis se laisse aller à une telle somnolence qu’il devient indifférent à tout ce qui l’entoure. Cette torpeur a son bon côté : elle le rend tolérant et débonnaire. Que les alimens