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un rang honorable. Les Iroquois admettent les mères de famille dans les délibérations, et leur reconnaissent le droit de s’opposer, lorsqu’elles le jugent à propos, aux expéditions militaires ; les mères ont également le droit, lorsqu’une guerre est commencée, d’ouvrir des motions de paix.

On peut considérer le gouvernement des Iroquois comme le plus haut point d’organisation sociale qu’aient atteint les tribus indiennes. Il ne faut pas aller cependant jusqu’à le comparer au conseil des amphictyons : il n’a aucun rapport ni avec la Grèce, ni avec Rome. Le gouvernement des États-Unis est le seul avec lequel il ait quelques points de ressemblance ; peut-être même pourrait-on le louer d’avoir été plus conséquent en proscrivant l’esclavage.

Les Dacotahs, les Shoshones d’abord, les Iroquois ensuite, nous ont montré la constitution des tribus indiennes sous ses deux aspects les plus caractéristiques, — l’anarchie d’une part, la fédération démocratique de l’autre. De ce qu’on peut appeler la vie publique des tribus, passons à leur vie privée. Ce qui doit nous frapper avant tout ici, ce sont les garanties qui protègent la famille indienne contre mille causes de dissolution. Parmi ces garanties, il faut citer notamment l’usage général des armoiries, qu’on appelle totems. De même que chaque clan, pour se distinguer des autres, adopte un symbole, de même chaque famille prend un signe caractéristique commun aux membres qui la composent. Le plus souvent c’est un quadrupède ou un oiseau, quelquefois un astre ou un objet dans lequel on croit reconnaître une vertu extraordinaire. Le totem sert de signature aux Indiens dans les actions importantes de leur vie ; à leur décès, gravé sur leurs cercueils, il conserve leur souvenir. Ce n’est pas que les personnes n’aient aussi chacune ses noms propres, mais elles les produisent rarement. L’usage et la superstition les engagent à les tenir secrets. Leur véritable appellation, c’est le totem. On dirait que l’individu n’est rien par lui-même, et qu’il n’existe que par ses proches et pour ses proches.

Les femmes ont à pourvoir à leurs vêtemens et à ceux de leurs maris. Ce devoir leur impose des travaux plus longs et plus pénibles qu’on ne pense. Non-seulement les raffinemens que leur inspire le désir de plaire sont de tous les pays, mais la coquetterie des hommes eux-mêmes, pour être fort différente de celle de nos petits-maîtres, n’est ni moins exigeante ni moins pointilleuse. Ils satisfont cette vanité par les couleurs et la façon de leurs vêtemens.

Ce qu’on remarque d’abord chez les femmes indiennes, c’est leur constitution plus robuste qu’élégante et leur air de vigueur. De longues bottes de fourrures accusent les parties musculeuses de leurs jambes, et se perdent sous les pans flottans de leurs robes courtes et dégagées. Un justaucorps en forme de jaquette dessine leur taille sans affectation, et s’élargit en belles proportions sans le secours d’aucun appareil postiche. Leurs seins rappellent ces épithètes un peu sensuelles dont le vieil Homère était peu ménager. Leurs cheveux épais se partagent sur leurs fronts, encadrent le grand ovale de leurs visages colorés, et flottent en tresses négligées sur leurs larges épaules. L’une déploie de ses mains nerveuses la dépouille d’un gros bison sur une potence formée par trois pièces de bois : elle la suspend à la perche supérieure,