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veaux frais la construction de ses cartes, interrompue faute de données. Il en livra quelques-unes à la publicité dès 1848 ; mais ce n’était là qu’un premier pas, car Maury sentait l’importance d’éveiller l’attention publique par un résultat pratique, s’adressant, avec l’irrécusable autorité du fait accompli, à l’esprit si positif de ses compatriotes. Il choisit à cet effet la traversée des États-Unis à Rio-Janeiro, pour laquelle les données qu’il possédait lui permirent de déterminer une route singulièrement plus courte et plus avantageuse que celle suivie jusqu’alors par la masse des navigateurs. Restait enfin à se procurer l’indispensable sanction de l’expérience : ce fut le navire W. H. D. C. Wright, capitaine Jackson, de Baltimore, qui eut l’honneur de la donner, et d’ouvrir, en parcourant le premier la nouvelle route, la liste, aujourd’hui si longue, des collaborateurs maritimes de Maury. Parti le 9 février 1848 de Baltimore, ce navire coupait la ligne au bout de vingt-quatre jours, traversée dont la moyenne était auparavant de quarante et un jours !

Un résultat aussi remarquable, promptement suivi de plusieurs autres, ne pouvait manquer de frapper vivement l’esprit de tous les navigateurs américains ; aussi le succès de l’entreprise fut-il dès lors définitivement assuré, et les progrès si rapides, que bientôt le concours de la presque totalité de la marine des États-Unis lui devint acquis. Maury cependant rêvait pour son œuvre une extension bien autrement vaste ; elle lui paraissait avec raison avoir un caractère essentiellement universel, et, fort désormais tant de l’appui de ses concitoyens que de l’importance des résultats obtenus, il engagea le gouvernement des États-Unis à proposer à toutes les nations maritimes l’adoption d’un plan uniforme d’observations nautiques. Cet appel fut entendu, et le mois d’août 1853 vit se réunir à Bruxelles un congrès véritablement international, composé des délégués de tous les principaux états européens, congrès dans lequel, malgré les graves préoccupations politiques du moment, les représentans de la France et de l’Angleterre étaient venus s’asseoir à côté de ceux de la Russie. Maury y représentait naturellement son gouvernement[1].

Sans entrer dans le détail des séances de cette conférence maritime, il nous suffira de dire qu’elle atteignit le but que Maury se proposait, et qu’elle rendit universel le plan d’observations dont il

  1. Les autres membres de ce congrès étaient : Belgique, MM. Quetelet, directeur de l’observatoire royal, et Lahure, capitaine de vaisseau ; Danemark, M. Rothe, capitaine-lieutenant de la marine royale ; France, M. Delamarche, ingénieur hydrographe de la marine impériale ; Grande-Bretagne, MM. Beechey, capitaine de la marine royale, et James, capitaine au corps royal du génie ; Norvège, M. Nils Ihlen, lieutenant de la marine royale ; Pays-Bas, M. Jansen, lieutenant de la marine royale ; Russie, M. Gorkovenko, capitaine-lieutenant de la marine impériale ; Suède, M. Pettersson, premier lieutenant de la marine royale.