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UN
ESSAI DE BONHEUR



I.

Maintes notices ont paru déjà et paraîtront encore sur le marquis de Giuli, dont la mort inattendue rappelait récemment à nombre d’entre nous ces beaux vers d’Alfred de Musset :

Ne suffit-il donc pas à l’ange des ténèbres
Qu’à peine de ce temps il nous reste un grand nom?

Tous ceux qui ont écrit sur Giuli ont mis en lumière les faits et les pensées qui associeront le souvenir de cette noble nature à la gloire impérissable du pays où elle s’est développée. On a fait connaître l’intrépide soldat dont Charles-Albert serra la main à Novare, et qui courait, il y a si peu de temps encore, comme volontaire, à tous les combats de la Crimée. On a célébré l’écrivain parfois bizarre, mais toujours plein de verve et de franchise, qui froissait et charmait en même temps ses concitoyens en poursuivant avec emportement cette chimérique alliance de ce que l’avenir a peut-être de grand et de ce que le passé eut à coup sûr de généreux. Eh bien! personne n’a parlé cependant du Giuli que nous avons connu et que Dieu a jugé aujourd’hui. On a orné son corps, on l’a embaumé, on l’a revêtu d’habits de parade, on n’a pas touché à son cœur. Pauvre cœur depuis si longtemps traversé par des épées invisibles, puisque nous ne pouvons pas te mettre dans un vase d’or, nous te mettrons dans un vase de verre; chacun pourra voir tes blessures. Je crois