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enlevés en dissolution par les pluies, puis transportés aux rivières, qui les amènent à l’Océan ; c’est du reste ce que confirme l’analyse de l’eau de ces rivières. Or de là semblerait résulter que la salure de la mer devrait aller incessamment en augmentant par l’apport constant de ces nouveaux élémens. C’est ici qu’intervient dans le maintien de l’universelle harmonie de la création le rôle des innombrables êtres qui peuplent les profondeurs océaniennes, car par leurs coquilles, par leurs écailles ou autrement, ces êtres nous offrent tous dans leur composition diverses proportions de ces sels, qu’ils ne peuvent avoir empruntés qu’au milieu dans lequel ils se développent. De même pour les plantes. Sous ce point de vue, l’une des fonctions des deux règnes animal et végétal dans l’Océan serait donc d’y conserver l’identité de composition de l’eau ; et ce fait va nous offrir une nouvelle preuve de la circulation que nous avons cherché à démontrer dans la masse liquide. Considérons ces zoophytes, ces madrépores, dont les immenses polypiers s’élèvent du fond des mers de manière à donner naissance, à de véritables archipels : on sait que l’espèce de réseau constituant ces polypiers se compose de dépôts, le plus souvent calcaires, formés dans les mailles du tissu de l’animal et extraits par lui des sels de la mer. Or, de même que nous voyons les plantes terrestres recevoir leur nourriture de l’air ambiant, ces humbles et infatigables architectes sous-marins ne peuvent recevoir les matériaux nécessaires à la construction de leur édifice que des courans, sans lesquels, contre-sens inadmissible, ils seraient appelés à vivre dans un milieu impropre à leur développement. Il faut donc que l’eau qui les entoure soit renouvelée dès qu’ils l’ont dépouillée des sels qui leur conviennent, action pour laquelle les courans sont indispensables, et de plus eux-mêmes contribuent, de leur côté, à l’entretien de la circulation océanienne par la diminution de densité qu’ils font subir à l’eau de mer.

Nous avons eu fréquemment déjà l’occasion de signaler combien était incomplet ce que nous connaissions des divers phénomènes océaniens : ainsi, il y a peu d’années encore, notre ignorance des profondeurs de la mer était, on peut le dire, absolue, et c’est principalement aux ingénieuses méthodes de sondage imaginées par Maury que nous devons le peu que nous commençons à savoir sur l’orographie de certaines parties du fond de l’Océan. Dans cette question, encore imparfaitement étudiée[1], un point seulement fixera

  1. On se figure en général l’Océan beaucoup plus profond qu’il ne l’est en réalité. Ainsi, dans l’Atlantique nord, qui a seul été sondé jusqu’ici d’une manière régulière et suivie, le maximum des sondes n’a pas atteint 8,000 mètres, et cependant l’erreur presque inévitable dont sont affectés les résultats de ces opérations délicates tend à donner des profondeurs constamment trop grandes.