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quante fois par an, c’est-à-dire une fois dans chaque période de douze heures ! » — « Cherchons, dit encore Maury, à évaluer de même l’influence de la température. Entre l’heure la plus chaude de la journée et l’heure la plus froide de la nuit, il y a souvent dans la chaleur de la mer un changement de plus de 2 degrés centigrades. Reprenons encore pour objet de nos recherches le cinquième de l’Atlantique, et supposons que l’action solaire, s’exerçant sans interposition de nuages, y ait élevé d’un degré la température de l’eau pendant la journée ; supposons de plus que la nuit amène des nuages qui empêchent le rayonnement nocturne d’enlever au cinquième considéré sa chaleur acquise ; enfin admettons que le contraire ait lieu pour les quatre autres cinquièmes, c’est-à-dire qu’ils aient été soustraits à l’action solaire par un rideau de nuages se dissipant à la nuit, de manière que le rayonnement nocturne puisse alors y abaisser d’un degré la température de l’eau : la différence de température sera alors de deux degrés, et, si elle s’étend en profondeur à 3 mètres au-dessous de la surface, il en résultera pour la masse en question un changement de volume de plus de 11,043 millions de mètres cubes ! »

Avant de terminer cet exposé des idées de Maury sur les courans, il faut dire quelques mots d’une question sur laquelle il a rencontré, on doit le reconnaître, la plus vive opposition de la part de nombre de marins éminens : je veux parler des courans sous-marins. On a vu par ce qui précède que, même dans notre ignorance actuelle des lois qui président à la circulation océanienne, Maury n’hésitait pas à déclarer cette circulation générale, c’est-à-dire à attribuer à toute molécule liquide un mouvement d’une vitesse plus ou moins considérable, et à rejeter par suite comme irrationnel l’état de repos absolu. Il est certain que l’identité de composition de l’eau de mer sur tous les points du globe rend sa thèse presque irréfutable, si l’on songe aux influences nombreuses qui tendent incessamment à modifier cette composition et à augmenter la salure en certains parages pour la diminuer en d’autres. De plus, bornée à des courans de surface, n’affectant en rien les couches inférieures, la circulation de la masse liquide ne saurait être complète. Il est en effet certaines mers, comme l’Atlantique, où tous ces courans introduisent incessamment de nouvelles quantités d’eau qu’aucun autre courant connu n’entraîne au dehors : le niveau de cet océan acquerrait donc une inadmissible supériorité d’élévation relative, si l’excès d’eau ainsi apporté ne trouvait dans quelque courant sous-marin une issue que nous ignorons. En un mot, tout courant a son contre-courant, tout courant d’entrée implique l’existence d’un courant de sortie, c’est-à-dire que ces phénomènes doivent en quelque sorte