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sud, ces quantités annuelles à 0m 92 et 0m 65. Comparons maintenant les deux zones alizées auxquelles cette pluie a été enlevée sous forme de vapeur : nous verrons que dans l’hémisphère nord le tiers de cette zone environ est occupé par les terres, de sorte que les deux tiers restans constituent seuls la surface d’évaporation, tandis que dans l’hémisphère sud la zone alizée peut être considérée comme ne comprenant que des mers[1]. La quantité d’eau évaporée dans l’hémisphère boréal est donc à celle évaporée dans l’hémisphère austral comme 2 est à 3, tandis que le rapport des quantités de pluie des mêmes hémisphères est celui de 3 à 2, ou à peu près. Si l’on n’admet pas l’échange atmosphérique que nous avons reconnu d’un hémisphère à l’autre, si l’on rejette le croisement absolu des courans aériens dans les différentes zones de calmes, on arrive à cette conclusion inadmissible, que dans l’hémisphère nord il y a relativement plus de pluie, bien qu’il y ait moins d’évaporation, et dans l’hémisphère sud moins de pluie et plus d’évaporation. Au contraire, le croisement une fois admis, les rapports deviennent rationnels et s’expliquent d’eux-mêmes, car c’est alors l’eau évaporée par les alizés austraux qui vient retomber en pluie dans les régions de précipitation de l’hémisphère boréal, et réciproquement ce sont les alizés boréaux qui alimentent les pluies de l’hémisphère austral ; les effets deviennent proportionnels aux causes, c’est-à-dire que les quantités de pluie sont en raison directe des surfaces d’évaporation.

Rien dans la circulation atmosphérique ne saurait être livré au hasard ; tout y doit être assujetti à des lois fixes et déterminées, et si l’existence même de ces lois ne s’est que tardivement révélée à nous, c’est que le manque d’observations suffisantes empêchait la science de se placer à un point de vue d’ensemble assez élevé. Les considérations précédentes sont de celles qui mettent le mieux en lumière cette immuabilité nécessaire de la circulation atmosphérique, car nous y voyons dans les vents les agens météorologiques chargés de répartir la pluie sur la surface du globe, et nous reconnaissons en même temps la merveilleuse régularité de cette action au tribut presque invariable d’une année à l’autre qu’apportent à l’Océan les fleuves, ces pluviomètres naturels des divers bassins des continens.

Les argumens que nous venons d’exposer en faveur du système de Maury, quelque décisifs qu’ils soient, sont exclusivement dus au

  1. Ceci demande une explication, car la zone alizée australe renferme, on le sait, une certaine étendue de terre sèche ; mais, dans ce qui précède, nous avons implicitement supposé les deux zones alizées égales en superficie, ce qui n’est pas exact. Pour la question qui nous occupe, nous admettons que la terre sèche des alizés austraux équivaut à la supériorité de superficie de cette zone sur la zone alizée boréale, et c’est à peu près ce qui a lieu.