Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

planète sont liquides, on comprendra mieux comment le célèbre Américain a pu aborder cette science avec une hauteur de vues, avec un esprit d’ensemble inconnus jusqu’à lui. Trop souvent, aux yeux des savans, la mer n’avait été en quelque sorte qu’un accessoire, tandis que, sans tomber dans l’exagération contraire, qui consisterait à faire de la météorologie terrestre un cas particulier de la météorologie maritime, on doit reconnaître que ces deux études se complètent l’une par l’autre, et que pour certaines lois, celles qui régissent la circulation atmosphérique par exemple, l’Océan en thèse générale représente la règle, la terre l’exception. Maury est du reste le premier à repousser en cela toute tendance trop exclusive, et à plusieurs reprises il réclame, au nom des résultats de la conférence de Bruxelles, un second congrès international destiné à établir pour les observations de terre l’uniformité et la centralisation qui existent aujourd’hui sur mer.

La météorologie, on le sait, a vu des hommes éminens contester son utilité, et jusqu’à ses bases, dans une discussion mémorable de l’Académie des Sciences, en janvier 1856. Lorsque des savans tels que MM. Biot et Regnault, dont la parole a en pareille matière une valeur si justement respectée, vont jusqu’à nier tout un passé scientifique, il n’est pas inutile de montrer par l’irrécusable logique des faits ce qu’on doit attendre de cette météorologie si vivement attaquée, et quels services, sous l’impulsion d’observateurs tels que Maury, elle pourrait rendre à la science du xixe siècle.

I. — L’ATMOSPHERE.

Si l’on recherchait ce que de tout temps l’esprit humain a considéré comme le type par excellence de l’instabilité, certes les vents nous présenteraient la plus complète unanimité d’épithètes dans laquelle un commun accord ait jamais réuni poètes et prosateurs. Bien plus, pendant de longues années, disons mieux, pendant des siècles, les savans eux-mêmes acceptaient ce principe d’instabilité, non-seulement sans discussion, mais encore sans être en rien choqués de l’hérésie scientifique qu’il entraîne, et si, à de lointains intervalles, des esprits plus investigateurs cherchaient à approfondir cette question, la cause seule de certains vents les préoccupait dans une étude qui devait nécessairement se ressentir de l’imperfection des connaissances physiques de l’époque. Parmi eux, nous citerons surtout l’illustre Bacon, le Hollandais Vossius, Halley, et dans le siècle dernier d’Alembert, dont le mémoire, couronné par l’académie de Berlin, n’est pas la pièce la moins singulière de ce curieux dossier historique par l’intrépidité avec laquelle le célèbre ency-