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« Souvent j’ai regardé, pendant que les nuages, qui couvrent le soleil, — glissaient, ondoyans comme les bannières d’une armée qui passe, — pour saisir la lueur de quelques blanches ailes qui se hâtaient — le long des confins du ciel ardent.

« Et souvent, quand les étoiles de minuit, dans leur froid éloignement, — éclairaient tranquillement, j’écoutais longtemps et tard ; — mais le pouls de la nature bat avec un calme solennel — sans apporter aucun écho des chants du séraphin.

« Est-ce que leur dernière hymne fut donnée (chantée) à l’air de Bethléem, — quand d’autres astres se sont obscurcis devant cet astre-là ? — Leur présence s’est-elle manifestée pour la dernière fois dans la prison de Pierre, — là où les martyrs contens firent entendre leurs dernières hymnes ?

« Non ; la terre a des anges, bien que leurs corps soient pétris — de la même matière qui forme ceux qui sont sur cette terre ici-bas. — Bien que la voix leur manque et que leurs brillantes ailes ne soient pas déployées, — nous les reconnaissons à la lumière divine de leur front.

« J’ai vu un (ange) dont l’éloquence entraînante — trouvait un puissant écho dans le cœur humain, — qui méprisait les caresses de la richesse et de l’aisance, afin — que l’espérance pût atteindre les opprimés qui souffraient.

« Et à côté de lui marchait une forme de beauté — qui jetait de douces fleurs sur le sentier de sa vie, — et que lui regardait avec tendresse et amour comme le plus agréable des devoirs. — Je l’appelais un ange, mais lui, il l’appelait sa femme.

« Oh ! maint esprit qu’on ne connaît pas marche sur la terre, — et lorsque son voile de tristesse sera soulevé, — s’élèvera vers le ciel avec des ailes libres, — et portera sa gloire comme une couronne d’étoiles[1] ! »


Lucy fut vivement applaudie, et Deborah, charmée de ce succès, qui n’était pas dû entièrement à ses vers, chercha des yeux le révérend John Lewis pour lui faire partager son triomphe ; mais le docteur était parti sans avertir personne. Nous le retrouverons bientôt.

Acacia n’applaudit pas. Il était plongé dans une extase divine.

  1. Nous croyons devoir citer le texte anglais des dernières strophes du poème de miss Julia Wallace :

    I have seen one, whose eloquence commanding
    Roused the rich echoes of the human breast,
    The blaindshment of wealth and ease with standing,
    That hope might reach the suffering and oppressed.

    And by bis side there moved a form of beauty,
    Strewing sweet flowers along his path of life.
    And louking up with meek and love-lest duty,
    I called her angel, but he called her wife.

    O, many a spirit walks the world unheeded,
    That, when its veil of sadness is laid down,
    Shall soar aloft with pinions unimpeded,
    And wear its glory like a stary crown !