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ACACIA
SCÈNES DE LA VIE AMÉRICAINE

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VII. — TROIS COUPS D’ÉPÉE DANS L’EAU SUIVIS D’UN COUP DE FOUDRE.


Après l’échec subi devant Acacia-Hall[1], Isaac Craig, général malheureux, mais indomptable dans l’adversité, se retira tristement dans son camp, je veux dire dans sa maison, avec Toby Benton et l’infortuné Appleton, qui poussait d’effroyables gémissemens. Isaac était le vivant portrait du fameux Guillaume III, stathouder de Hollande et roi de la Grande-Bretagne. C’était le même courage, la même obstination, la même activité, le même flegme, la même finesse et la même insensibilité. Si le destin l’avait fait naître sur le trône, il eût été digne du pinceau de M. Macaulay. Malheureusement la Providence, dont l’ordre est tout puissant, avait décrété qu’il exercerait son génie dans un village du Kentucky.

— Toby, dit-il à son associé, vous êtes une bête. Vous avez fait manquer par votre stupidité le plan le mieux combiné.

— Eh bien ! dit en grognant le révérend, je vais porter mes pénates ailleurs. Est-ce moi qui suis cause de votre échec ? Vous ne demandez que plaies et bosses, vous mettez une armée en campagne, vous me chargez de donner le signal, et au dernier moment vous me mettez en face d’une bande d’Irlandais ivres qui m’ont assommé plus d’à moitié. Où sont vos blessures, à vous qui parlez ? que m’importe, à moi, la victoire ? qu’est-ce que je gagnerai à la ruine ou à la mort

  1. Voyez la livraison du 1er  mars.