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dement qu’il l’avait conquise. Cette fois elle fut réunie à l’Espagne pour toujours.

François Ier éprouva non moins de ressentiment que de trouble en apprenant que la frontière de son royaume avait été franchie par les troupes impériales et que Lesparre avait été battu au-delà des Pyrénées. Il hâta les préparatifs nécessaires non-seulement pour résister à Charles-Quint, mais pour l’assaillir avec vigueur de plusieurs côtés. Trois armées furent mises sur pied; elles auraient dû être réunies plus tôt, car il était à prévoir[1] que la guerre avec l’empereur serait l’inévitable suite de l’invasion bien qu’indirecte de la Navarre et de l’agression, quoique désavouée, de Robert de La Marck. François Ier envoya vers les Pyrénées l’amiral Bonnivet avec quatre cents hommes d’armes et six mille lansquenets que devaient renforcer tout autant de soldats de Gascogne[2]. Il fit partir le gouverneur du Milanais, Lautrec, pour l’Italie, où se trouvait déjà le maréchal de Foix, Lescun, à la tête des troupes françaises, et vers laquelle avaient ordre de se diriger des bataillons de piquiers suisses et des bandes d’aventuriers dauphinois levés par le comte de Saint-Vallier. L’armée la plus considérable fut formée sur les confins de la Champagne et de la Picardie pour y faire face aux impériaux. Elle se composait de dix-huit mille hommes de pied français qu’amenaient le connétable de Bourbon, le duc de Vendôme, les maréchaux de Châtillon et de La Palisse, le sire de La Trémouille, de dix-huit cents lances tirées de la vaillante cavalerie des ordonnances, et de douze mille Suisses obtenus des cantons[3]. En attendant que cette armée occupât la frontière du nord et pût même envahir les Pays-Bas, François Ier s’était transporté à Dijon pour mettre à l’abri d’une attaque la Bourgogne, que Charles-Quint était disposé à reprendre comme son héritage, et il confia au chevalier Bayard la défense de Mézières, place presque ouverte, très importante, mais fort difficile à garder, et que menaçaient le comte de Nassau et Franz de Sickingen, après s’être rendus maîtres de Mouzon[4].

  1. François Ier le prévoyait si bien lui-même qu’il écrivait à Barrois, son ambassadeur auprès de Charles-Quint, et le chargeait de dire à ce prince, alors à Worms, dans sa lettre du 14 avril 1521, où il accusait l’empereur d’avoir violé les traités auxquels il assurait avoir été lui-même fidèle : « Parquoy, moy qui de ma part ai entretenu les dictz traictez sans aucunement les enfreindre, me tiens pour provocqué et assailly, et espère, avec l’ayde de Dieu, mon bon droict, secours de mes alliez et confédérez, me défendre et pourveoir à mon affaire de sorte qu’il ne me prandra à despourveu. » Le Glay, Négociations diplomatiques, t. II, p. 271-272.
  2. Du Bellay, p. 301-302-304-320.
  3. Ibid., p. 301 à 303.
  4. Ibid., p. 310 à 318. Hystoire du bon Chevalier sans Paour et sans Reprouche, par le loyal serviteur, dans le t. XVI de la collection de Petitot, p. 110, 111 et suiv.