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pour lui en Espagne, l’éloignement où il se trouvait de l’Italie, les embarras religieux et politiques qu’il rencontrait en Allemagne, semblaient le rendre impuissant alors protéger ses divers états. François Ier, se croyant toujours assuré de Léon X, lui envoya six mille Suisses afin qu’il les joignît aux troupes pontificales destinées à envahir l’Italie méridionale. S’il n’obtenait pas le concours d’Henri VIII, il espérait au moins conserver son alliance en ne se montrant pas l’agresseur direct de Charles-Quint, bien qu’il se considérât comme en droit de l’être par l’inexécution des engagemens pris au sujet de Naples et le mépris des promesses faites à l’égard de la Navarre. Il appela à Romorantin, maison de plaisance de la duchesse d’Angoulême sa mère, où il tenait souvent sa cour, Robert de La Marck, seigneur de Sedan et de Bouillon, qui possédait de fortes places sur la frontière des Pays-Bas et y commandait une petite armée; le duc de Lunebourg, gendre de son allié le duc de Gueldre, chef des bandes noires des lansquenets; André de Foix, seigneur de Lesparre et parent des d’Albret, qui pouvait lever une troupe de Gascons au pied des Pyrénées[1]. Il les renvoya après avoir concerté avec eux une attaque sur les flancs des Pays-Bas et une invasion de la Navarre, dont le recouvrement ne pouvait en ce moment être empêché par personne.

La guerre commença au printemps de 1521. Robert de La Marck, que la promesse mal tenue d’un chapeau de cardinal pour l’évêque de Liège, son frère, et le licenciement maladroit de sa compagnie de cent hommes d’armes avaient fait passer, avant l’élection à l’empire, du service de François Ier à la solde de Charles-Quint, et qu’une récente injustice de Charles-Quint[2] avait ramené au service de François Ier, envoya défier l’empereur au milieu même de la diète de Worms; puis, à la tête de ses fantassins et de ses cavaliers, parmi lesquels se trouvaient des Suisses de la garde du roi et des hommes d’armes de ses compagnies, il se jeta dans le duché de Luxembourg, où il assiégea Vireton. Peu de temps après, le seigneur de Lesparre franchit les Pyrénées avec huit mille bons soldats de Gascogne et environ trois cents lances françaises[3]. Cette expédition fut tentée au mois de mai. Le moment était encore favorable, quoiqu’il fut un peu tardivement choisi. La Navarre restait dégarnie

  1. Dépêche de Fitzwilliam à Wolsey du 18 février 1521, dans Bréquigny, vol. 88. Mémoires de Fleurange, fils de Robert de La Marck, t. XVI, p. 357.
  2. Charles-Quint avait adjugé la ville d’Hierge, dépendante du duché de Bouillon, au seigneur d’Émery. — Mémoires de Fleurange, t. XVI, p. 356, et de Du Bellay, t. XVII, p. 290-291.
  3. Du Bellay, p. 287. — Sandoval, lib. X, § IV et V. — Sayas, Anales de Aragon, c. XXIX, p. 208-209.