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gouverneur Chièvres et de ses compatriotes les Flamands, qui seuls avaient accès auprès de lui et qui s’appropriaient ou vendaient tous les emplois et toutes les dignités du royaume, avaient profondément indisposé les peuples de cette fière et indépendante péninsule[1].

Ce n’était pas sans peine qu’il y avait été reconnu roi. Après de longues négociations, les Castillans s’étaient décidés les premiers à l’admettre en partage de la couronne avec sa mère Jeanne la Folle, que sa maladie empêchait de gouverner, mais à laquelle seule appartenait le droit de régner. Les cortès de Valladolid, en consentant à ce que Charles fût à la fois l’administrateur unique et le co-souverain du royaume, avaient déclaré que sa mère, dont le nom précéderait le sien sur tous les actes publics, reprendrait le gouvernement de l’état, si Dieu lui rendait la santé et la raison. Un serment réciproque avait été ensuite prêté : par Charles, d’observer les lois et de respecter les privilèges de la Castille; par les Castillans, de garder une fidèle obéissance au nouveau roi. Ce double engagement de ne pas enfreindre le droit et de ne pas sortir de la soumission devait être bientôt violé des deux parts.

Charles avait rencontré des difficultés non moins grandes dans l’Aragon, que régissaient des institutions fort libres, et dans la principauté remuante de Catalogne. Il avait fini par les surmonter, et, là aussi, après une longue résistance, on avait admis sa souveraineté en la soumettant toutefois à des conditions. Cette royauté restreinte et cette obéissance subordonnée, il n’avait pas même eu le temps d’aller les imposer au royaume de Valence, qui ne consentait à lui prêter serment que s’il se présentait lui-même pour le recevoir[2]. De Barcelone où il était, quand lui avait été apportée la nouvelle de son élection à l’empire, il s’était hâté de retourner en Castille pour se rendre sur les côtes de la Galice, faire voile vers l’Angleterre, et se transporter de là en Allemagne à travers les Pays-Bas.

  1. Voyez, sur le séjour de Charles-Quint en Espagne, les déprédations des Flamands, les mécontentemens de la noblesse et l’insurrection des comuneros, — le premier volume de Historia de Carlos-Quinto par Sandoval, qui a eu tous les papiers du connétable de Castille, dont le rôle a été si important à cette époque ; — les lettres de Pierre Martyr, qui les écrivait du théâtre même des événemens; — les épîtres dorées de don Antonio de Guevara et les lettres de l’amiral de Castille; — le premier et le deuxième volume des Documentos ineditos publiés à Madrid, et qui contiennent dans les tomes Ier et II des fragmens d’une chronique manuscrite et des pièces sur l’insurrection des villes; — Alcocer, Relacion de las comunidades ; — Historia del levamiento de las comunidades de Castilla, por don Antonio Ferrer del Rio, Madrid 1850; — la correspondance inédite de La Roche-Beaucourt, ambassadeur de François Ier, qui a suivi Charles V depuis 1517 jusqu’à son départ de La Corogne en mai 1520. (Bibliothèque impériale, mss. Bélhune, vol. 8486, 8487 et 8612.)
  2. Sandoval, vol. Ier, lib. III, § XXXVIII.