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mains en Italie, vers les Pyrénées, sur les confins des Pays-Bas, se disputèrent de plus en plus l’assistance du roi d’Angleterre. Afin de mieux cimenter l’union rétablie par le traité de Londres, François Ier avait recherché une entrevue avec Henri VIII. Cette entrevue, stipulée dans le traité même, devait avoir lieu sur le territoire qui séparait les possessions des deux rois, entre Ardres et Calais. Dans son impatiente ardeur, François Ier avait juré qu’il ne couperait point sa barbe jusqu’à ce moment désiré[1]. Henri VIII, ne voulant point rester en arrière, avait fait le même serment; mais, moins pressé de se rendre sur le continent que François Ier de l’y rencontrer, il s’était brusquement débarrassé de sa barbe, ce qui avait paru de fort mauvais augure à la cour de France. A la surprise assez inquiète qui en avait été exprimée, l’ambassadeur d’Henri VIII avait répondu, au nom de son maître, « que la bonne affection était dans le cœur et non dans la barbe. » Les instances redoublées de François Ier[2] avaient enfin obtenu que l’entrevue ne fût pas différée davantage. Elle fut fixée au commencement de juin 1520.

Charles-Quint, dont François Ier rencontrait la rivalité partout, le devança auprès d’Henri VIII. Depuis le mois de janvier, il négociait aussi du fond de l’Espagne une entrevue avec le roi d’Angleterre. Wolsey avait eu la première pensée de cette rencontre[3], indiquée pour le 15 mai, sur les côtes d’Angleterre, un peu avant la conférence d’Henri VIII et de François Ier. Pressé par les princes allemands[4] d’aller prendre possession de l’empire en se faisant couronner à Aix-la-Chapelle, résolu dans les intérêts de sa politique à se rendre en Angleterre pour y visiter son oncle Henri VIII et s’y entendre avec lui, Charles-Quint se disposait à quitter l’Espagne, qu’il avait trouvée mécontente à son arrivée et qu’à son départ il laissait prête à devenir rebelle. Pendant les trois ans et demi qu’il avait passés dans ce pays aussi jaloux de ses droits nationaux qu’attaché à ses vieux usages, il s’était comporté en étranger et avait voulu s’imposer comme un maître. Son penchant précoce au pouvoir absolu, sa gravité froide, son humeur altière, l’éloignement dans lequel il tenait les Espagnols, dont il n’avait pas les mœurs et ne connaissait pas encore la langue, l’avidité sans bornes de son

  1. Lettre de Th. Boleyn à Wolsey du 16 novembre 1519, dans Bréquigny, vol. 87.
  2. François Ier à Henri VIII le 20 février 1520, dans Bréquigny, vol. 87, et à Wolsey du 23 février 1520. Musée britannique, Cotton, Caligula, D. VIII, et dans Bréquigny, vol. 87.
  3. Lettre de Charles-Quint à Wolsey du 25 février 1520; Musée britannique, Vespas., C. I, fol. 297.
  4. Lettre de l’électeur archevêque de Mayence et de l’électeur Frédéric de Saxe à l’empereur Charles-Quint du 20 lévrier 1520; — archives de Belgique, documens relatifs à la réforme religieuse en Allemagne, premier supplément, t. Ier, pièce 1re.