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Il ne put cependant rentrer dans les duchés de Parme et de Plaisance, qu’il revendiquait comme faisant partie des états de l’église, et que François Ier avait incorporés au Milanais; il se crut de plus exposé à la restitution de Modène et de Reggio, que le pape Jules II avait enlevés au duc de Ferrare : de là un regret et une crainte qui le disposaient à une rupture. Léon X en avait même saisi trop promptement l’occasion, lorsque l’empereur Maximilien s’était avancé, en 1516, à la tête d’une nombreuse armée d’Allemands et de Suisses, jusque sous les murs de Milan, pour arracher à François Ier sa récente conquête. Au lieu d’envoyer son contingent militaire au secours de ce dernier prince, comme il s’y était engagea Bologne, Léon X avait fait partir secrètement le cardinal de Bibiena pour le camp de l’empereur, avec l’offre de joindre les troupes pontificales aux siennes; mais Milan ayant été habilement défendu par le connétable de Bourbon et le maréchal J. J. Trivulzi, et Maximilien ayant quitté brusquement son armée, qui s’était dispersée faute de solde et de chef, Léon X s’était hâté de revenir à l’alliance de François Ier. Il lui avait transmis l’argent qu’il devait lui fournir pour lever des troupes qui l’aidassent à se maintenir dans le Milanais. En recevant ce secours tardif, arrivé lorsque tout danger était passé, François Ier avait dit spirituellement : «Je ferai avec le saint père un traité qui ne vaudra que pendant la paix[1]. »

Allié toujours équivoque, Léon X promettait selon ses craintes, agissait suivant ses intérêts. Pendant la vacance de l’empire, il s’était déclaré d’abord en faveur de François Ier, dont il avait. soutenu la candidature; mais au moment où le succès en était devenu incertain, il s’était tourné, selon sa coutume, du côté de son heureux rival[2]. S’il n’avait pas appuyé jusqu’au bout François Ier en Allemagne, il semblait du moins s’unir à lui plus que jamais en Italie[3]. C’était avec les troupes françaises qu’il avait repris le duché d’Urbin, et son neveu Lorenzo de Médicis, qui était venu le représenter à Paris dans le baptême du dauphin de France, dont il était le parrain, avait épousé une princesse du sang royal[4]. À cette union de la maison de France avec la famille des Médicis s’était ajouté un traité récent bien propre, en apparence, à rendre indissoluble l’ac-

  1. Roscoe, Histoire de Léon X, t. III, p. 83.
  2. Voyez la Revue des Deux Mondes du 15 janvier 1854.
  3. Le cardinal de Bibiena écrivait de Rome, le 19 mai 1520, à la duchesse d’Angoulême, mère de François Ier, de la part de Léon X : « Et me ha imposto che io per parte sua vi risponda che el e disposto a vivere et morire nella vera unione et perfetto amore nel qual si trova verso del rey et di voi. » Mss. Béthune, vol. 8487, f. 55.
  4. Voyez les Mémoires de Du Bellay, p. 271 à 278 du XVIIe vol. de la collection Petitot; les Mémoires de Fleurange, p. 326 du XVIe et les dépêches du cardinal de Bibiena de l’année 1518, notamment celle du 14 juillet. Lettere di Principi, I, p. 27 à 30.