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d’Augsbourg en 1518 et la mort de Maximilien Ier en 1519, il avait conçu le politique dessein de soutenir la candidature de l’électeur Frédéric de Saxe pour faire échouer celle de l’archiduc Charles[1]; mais il avait bien vite repris le projet inconsidéré de se faire élire. Il aurait pu donner un chef à l’empire s’il n’avait pas voulu l’être, tandis qu’en cherchant à le devenir, il fit nommer empereur son rival naturel et son ennemi futur.

C’était une grande faute. La puissance de Charles-Quint était dangereusement accrue par l’imprudence de François Ier. Avec la dignité impériale, qu’il recevait en Allemagne, il était investi de la suzeraineté politique en Italie. Il acquérait le droit ou le moyen de disposer des forces de l’une, d’intervenir dans les arrangemens territoriaux de l’autre, et de commander aux deux. Cette première lutte entre François Ier et Charles-Quint avait altéré leurs sentimens aussi bien que changé leurs positions. François Ier avait conservé un secret et profond dépit d’avoir échoué après avoir été si près de réussir. La prétention seule d’enlever à la maison d’Autriche la couronne de l’empire, qui s’y était maintenue comme un héritage depuis l’extinction de la maison de Luxembourg, avait excité en Charles-Quint une animosité que le succès n’avait point apaisée. Le changement survenu dans les dispositions des deux souverains amena bientôt un changement plus grave dans leurs relations : il laissa éclater la divergence jusque-là contenue de leurs intérêts. Cette divergence existait sur tous les points où ils étaient en contact par leurs territoires.

Du côté des Pays-Bas, sur les flancs desquels, soit au nord, soit au sud-est, François Ier entretenait dans son alliance le belliqueux duc de Gueldre, le politique duc de Lorraine et l’entreprenant Robert de La Marck, souverain de Sedan et de Bouillon, Charles-Quint revendiquait le duché de Bourgogne comme une partie de son héritage paternel, dérobé par Louis XI à la maison dont il descendait. Vers la frontière des Pyrénées, François Ier réclamait la restitution à Henri d’Albret du territoire qu’avait envahi huit années auparavant Ferdinand le Catholique afin de l’incorporer à la monarchie espagnole, dont il avait achevé la grandeur intérieure et atteint les

  1. C’est ce qu’on voit dans les dépêches du cardinal de Bibiena, ambassadeur de Léon X auprès de François Ier, écrites de Paris : « Disegna, in quanto per lui si potrà, interromper la cosa del catholico, conforme al ricordo vostro... et dice, che saria sauta cosa per tutti quando si potesse fare re de, Romani, il duca di Sassonia : cosi mi ha detto che vi scriva per sua parte. » Lettere di Principi, t. Ier, p. 52, v°. — Cette lettre du 27 novembre est adressée au duc d’Urbin. Il avait dit la même chose dans la lettre du 2C au cardinal Jules de Médicis, p. 51; il y revient dans la lettre du 8 décembre; François Ier y traite de chimères les pratiques pour sa propre candidature. Ibid, p. 60.