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convient. Que se passait-il à pareil jour, il y a dix ans, vingt ans, cent ans? On se souvient, on cherche, on compare, et quelles surprises! quels contrastes! quelles coïncidences! Au fond, si vous voulez y regarder de près, il n’y a rien là de très philosophique, car le rapport de deux dates entre elles est aussi fortuit, aussi insignifiant que le rapport des deux numéros qui composent un ambe de loterie. N’importe, ce rapprochement de hasard est tout au moins une occasion, un prétexte à curiosité, comme est un prétexte à générosité telle ou telle date du calendrier qui vous rappellera le nom ou la naissance d’une personne aimée. Vous ne l’aimez certes pas davantage le 22 février parce qu’elle se nomme Isabelle, ou le 27 parce qu’elle se nomme Honorine, mais vous saisissez avec joie cette occasion d’offrir bouquets, bonbons ou fleurs, suivant l’occurrence.

Il n’y a donc pas à s’étonner qu’un de ces curieux en histoire, qui se plaisent aux fouilles patientes et troublent volontiers le repos des vieilles archives, se soit en 1856 posé cette question : Jour pour jour, an pour an, que se faisait-il ici-bas? La réponse ne s’est fait attendre qu’un an, et ce n’est pas trop, si l’on songe à la quantité de bouquins poudreux, d’almanachs véreux, de journaux moisis qu’il a fallu explorer pour la faire tant soit peu complète. Or en 1756 il se passait bien des choses qui, rapprochées de celles que nous avons vues en 1856, et de celles que nous voyons en 1858, ne laissent pas de sembler bizarres. En 1756, le roi d’Angleterre s’appelait George II et le roi de France Louis XV. L’entente cordiale n’était pas encore devenue le mot d’ordre des deux peuples, qui se mesuraient de l’œil, athlètes irrités, sur le point de descendre dans l’arène où ils combattirent sept ans. Il se forgeait beaucoup de canons dans l’arsenal de Woolwich. Portsmouth et Plymouth regorgeaient de vaisseaux. De ce côté du détroit, on fortifiait Dunkerque, et La Galissonnière armait à Toulon la flotte qui prit Minorque. Sa majesté très chrétienne se plaignait des pirateries, des brigandages commis par les sujets de sa majesté britannique. Sa majesté britannique prétendait au contraire que nous étions les agresseurs. Fox répondait à Rouillé, Rouillé répliquait à Fox, et à voir s’envenimer la querelle des plumes, on pouvait prévoir qu’un autre duel n’était pas loin. Ce duel devint une mêlée générale où entrèrent tour à tour et le grand Frédéric, dont Th. Carlyle va nous raconter l’histoire d’ici à peu, et la tsarine Elisabeth, si singulièrement appelée la Clémente, et le roi de Hongrie, Marie-Thérèse, et l’électeur de Saxe, roi de Pologne, et tant d’autres encore.

L’Angleterre sortit à son honneur de ce grand conflit, et cependant qui eût pu, dès le début, la croire en état de tenir tête à un pareil orage ? On sourit, vraiment, en voyant Pitt déployer toute son éloquence (fin 1755) pour obtenir une armée permanente de 18,000 hommes, basée sur des milices montant au moins à 50,000. Quels chiffres en présence de ceux dont on entend parler maintenant! Lord Panmure, l’autre jour, annonçant, par exemple, que les enrôlemens hebdomadaires vont à 2,500 hommes, et l’opposition se plaignant qu’avec 80,000 soldats envoyés dans l’Inde, la guerre n’y marche pas d’une autre allure. Il est vrai que l’Angleterre achetait dès lors des auxiliaires étrangers. Le landgrave de Hesse lui vendait, à prix débattu, 8,000 fantassins, 900 cavaliers et 114 pièces de canon. George II faisait venir