Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’enseignement de la langue grecque, et M. Zarate assure que c’était bien assez pour le moment d’avoir à trouver en Espagne des professeurs pour les dix universités, ce qui ne dénote pas une culture très répandue des littératures anciennes. L’enseignement supérieur laisse apercevoir un phénomène qui n’est pas moins singulier: c’est une diminution sensible et régulière du nombre des élèves qui fréquentent les écoles de jurisprudence et de médecine. Le nombre était réduit, il y a quelque temps, à 3,420 pour les facultés de droit, et à l,463 pour les facultés de médecine, si bien qu’un ministre se croyait obligé de diminuer de deux années la durée des études pour que l’Espagne ne fût pas menacée de manquer de médecins. Cet abandon explique peut-être comment certaines personnes opposent encore à l’époque présente l’époque où Salamanque seule comptait sept mille étudians. Ces détails, et tous ceux que contient le livre instructif de M. Gil y Zarate, semblent ne se rattacher qu’à une question d’enseignement; au fond, ils révèlent la situation de l’Espagne, situation où tout est lutte et travail encore, où l’on voit partout l’effort du présent pour se dégager du passé et les signes multipliés d’une transition pénible.

Je ne veux point mêler ici de trop près la politique à cette question de l’enseignement en Espagne; la politique revient assez vite dans les affaires des hommes. Il y aurait pourtant une observation bien simple à dégager. Entre tous les partis qui se disputent la prépondérance au-delà des Pyrénées, quel est celui qui a le plus fait pratiquement pour l’Espagne ? Le parti progressiste est dans cette position fort étrange, que par la pente de ses opinions il se tourne sans cesse vers le peuple, et que par ses prétentions novatrices il froisse quelques-uns des instincts populaires les plus vivaces. De là son embarras visible dès qu’il est au pouvoir. Il supprime bien une contribution, parce qu’on est toujours populaire en supprimant une taxe; mais il ne sait plus comment la remplacer. C’est le parti de l’agitation et du mouvement, non le parti des vraies et justes innovations. Les modérés ont mieux réussi, et leur œuvre a mieux résisté, même dans le péril des révolutions, parce qu’ils ont visé au possible. C’est là le mérite des réformes accomplies en 1845 et dans les années suivantes. Ces réformes ne sont point exemptes d’imperfections et de lacunes; mais enfin l’Espagne a trouvé pour ainsi dire la forme moderne de son existence. Que manque-t-il donc aujourd’hui? Peut-être manque-t-il un peu de cet esprit politique qui persévère, qui maintient ce qu’il a créé, améliore au lieu de détruire, et préserve un pays tout à la fois de ces deux périls, — les réactions et les révolutions.


CH. DE MAZADE.



LITTERATURE ANGLAISE.
A Hundred Years Ago, an historical sketch; 1755 to 1756, by James Hutton[1].


Les éphémérides sont à peu près du goût de tout le monde. Chacun y cherche et y trouve, selon ses instincts et son humeur, la pâture qui lui

  1. London 1857, Longman and C°.