publique, puis conseiller d’état. Comme bien d’autres, M. Gil y Zarate, en sa qualité de modéré, était rejeté par la révolution progressiste de 1854 dans ce cadre mobile des cesantes qui reçoit successivement les blessés de tous les partis; il perdit sa place, et c’est justement de ce temps de repos qu’est né le livre qu’il a écrit sur ce sujet si simple et si fécond de l’instruction publique. Ce que M. Gil y Zarate a fait comme fonctionnaire de l’état, il le raconte comme écrivain; il a montré ce qu’était autrefois l’instruction publique en Espagne, ce qu’elle avait fini par devenir au milieu d’une décadence universelle, ce qui a été tenté pour restaurer l’enseignement, pour lui communiquer une vie nouvelle : œuvre intéressante et instructive, qui résume toute une série de réformes souvent contrariées, péniblement accomplies, et compliquées encore par une loi récente qui n’est peut-être pas la dernière.
A n’observer que les apparences, l’instruction publique, étrangère par elle-même à la politique, reste sans doute une affaire spéciale dans l’administration d’un pays; elle a ses règles, son organisation et son objet propre, comme la justice et les finances; mais dans ces élémens modestes et pratiques on peut suivre à chaque pas le reflet éclatant ou affaibli du génie national se manifestant sous des formes diverses. Avec un système d’impôts, on recomposerait souvent toute une histoire. M. Gil y Zarate a le mérite de ne point résumer l’enseignement tout entier dans des questions d’école et dans des détails de statistique; il ne le sépare pas de la marche de la civilisation espagnole, et il se trouve que son livre est comme une histoire morale de la Péninsule. Si le nombre des établissemens d’instruction publique était la mesure la plus exacte de la civilisation d’un pays, l’Espagne aurait été sans nul doute la nation la plus civilisée de l’Occident. Il fut un moment, en effet, où elle eut des universités nombreuses, libéralement dotées, pourvues de chaires de toute sorte, illustrées par l’éclat d’un enseignement qui attirait souvent les étrangers aussi bien que toute la jeunesse nationale. Le développement de ce vaste et florissant ensemble ne s’est point accompli en un jour; il compte plusieurs périodes. Au premier instant, lorsque l’invasion arabe venait tout submerger, l’Espagne, concentrée tout entière derrière les âpres rochers de Covadonga, avait plus besoin de soldats que d’étudians ou de lettrés, et les prêtres eux-mêmes, en portant les armes, finissaient par oublier ce qu’ils savaient. Ceux qui voulaient s’instruire étaient obligés de passer en France. D’autres allaient dans la partie de l’Espagne soumise aux Arabes. Les Juifs de leur côté, se mêlant à tout, entretenaient encore une certaine culture. Quant aux moyens directs et spéciaux d’enseignement, tout se réduisit pendant assez longtemps à quelques pauvres écoles attachées à des églises ou à des monastères, et fondées par des moines de Cluny introduits vers le XIe siècle en Espagne. Jusque-là tout est confusion et bataille; l’Espagne n’est encore qu’une nation militante occupée à se défendre et à revendiquer sa nationalité.
Un nouveau mouvement commence au XIIIe siècle, après la bataille de Las Navas de Tolosa. La première université qui apparaît est celle de Palencia, fondée par le roi Alphonse VIII de Castille; elle est bientôt suivie de celle de Salamanque, qui ne devait pas tarder à éclipser toutes les autres: puis vient