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nombre de dépenses nouvelles imposées à l’état; mais la divergence de vues était surtout complète en ce qui touche les moyens d’exécution des réformes proposées. Ici toutes les opinions étaient en lutte. De plus l’intérêt des campagnes ne laissait point d’être atteint par des remaniemens d’impôts principalement profitables aux grandes villes, et cet intérêt a eu naturellement ses défenseurs. Il s’est établi une sorte d’antagonisme entre les représentans des villes et les représentans des campagnes, et cela n’a fait que compliquer la question. Le ministre des finances a vainement défendu son projet en faisant valoir l’opportunité de la réforme, la situation favorable du trésor; il n’a pu entraîner la seconde chambre. Lorsque le moment du vote est venu, le projet ministériel a été rejeté, et le gouvernement s’est trouvé sous le coup d’une défaite. Le ministère, il est vrai, n’avait point attaché son existence à cette question financière : l’échec n’a pas été moins réel et moins sensible. M. Vrolik a été obligé de remettre en portefeuille un projet sur lequel il fondait de grandes espérances.

Bientôt est venue une autre question, celle des chemins de fer, dont tout le monde se préoccupe en Hollande. Un des membres considérables de la seconde chambre, M. Thorbecke, s’est chargé d’adresser de pressantes interpellations au ministre de l’intérieur, et il a proposé une motion dont le sens était qu’il y avait urgence à se mettre à l’œuvre, ne fût-ce que pour une seule ligne jugée plus nécessaire que les autres. M. Thorbecke, à la vérité, s’est efforcé d’enlever à sa proposition toute couleur d’hostilité, en déclarant qu’il ne voulait pas attaquer le cabinet, qu’il n’était mû que par la pensée d’activer l’établissement des grandes communications ferrées. Dans ces termes, toutes les opinions étaient d’accord, toutes les nuances politiques se confondaient, et la motion a fini par être adoptée presque à l’unanimité, avec le consentement du ministre de l’intérieur lui-même. Au fond, on n’en est point venu cependant à ce vote sans une vive discussion, où le gouvernement a défendu le terrain, ne cédant que peu à peu, opposant la nécessité de suivre des règles générales pour les concessions, et ne se rendant qu’à la dernière extrémité, d’où il suit que l’assentiment donné par le ministre de l’intérieur à la motion de M. Thorbecke a été tout au moins peu spontané. Il reste toujours une déclaration nette et significative de la seconde chambre hollandaise en faveur de la prompte construction des chemins de fer. Enfin il s’est élevé récemment une autre difficulté, qui a été l’occasion d’une défaite plus marquée pour le cabinet de La Haye. Cette difficulté est venue du traité de commerce et de navigation conclu, il y a quelques mois, avec la Belgique. Ce malheureux traité a obtenu aussi peu de faveur que possible en Hollande. On lui a reproché d’être peu opportun, de faire à la Belgique des avantages sans compensation, de stipuler au profit des Belges une réduction des droits différentiels aux Indes, ce qui pouvait tout au plus être l’objet d’une mesure générale de réforme, et non d’un engagement diplomatique. De plus, il y a une question toute pratique et matérielle qui divise les deux pays : c’est celle des irrigations belges qui tendent à détourner les eaux des fleuves et des canaux dans le Brabant septentrional et le Limbourg, au détriment du commerce néerlandais ; on pensait en Hollande que cette question aurait dû être rattachée à la négociation du traité de