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veau ministère fera vraisemblablement tout ce qu’il pourra, tout ce que l’opinion du pays et du parlement lui permettra. Seulement il est toujours une question assez grave : quelle sera la durée de ce ministère qui vient de naître? De quelles forces dispose-t-il ? Où sont ses élémens de vie? Lord Derby est assurément un chef de cabinet éminent; M. Disraeli, dans son. passage aux affaires il y a quelques années, a laissé voir des qualités qui ont émoussé quelque peu l’ironie de ses ennemis; mais en définitive cela ne change pas la situation d’un ministère qui trouve toute sa force en lui-même, et qui est dépourvu d’appuis suffisans. De toute façon il faut bien en revenir à ce fait extraordinaire, que le cabinet tory vient au monde sans avoir une majorité dans la chambre des communes, et il ne peut guère songer à dissoudre un parlement qui est élu depuis une année à peine. Là est vraiment la difficulté. La nouvelle administration pourra garder le pouvoir pendant quelques mois, comme elle peut ne le garder que pendant quelques jours. Elle est exposée à vivre à l’aide de majorités de circonstance qui la soutiendront tant qu’il ne se présentera pas une occasion favorable de la renverser. Que fera lord Palmerston dans cette situation nouvelle? Il attendra peut-être, comme il attendit en 1852 après sa sortie du ministère. Il trouvera bien pourtant quelque moyen d’exercer ses représailles, de faire sentir son influence, et parmi toutes les éventualités qui peuvent s’offrir en Angleterre, le retour de lord Palmerston au pouvoir n’est point certainement la plus impossible.

Entre toutes les choses qui s’accomplissent aujourd’hui en France, il en est qui touchent à des intérêts matériels, au développement économique du pays, et il en est qui se rattachent encore au trouble profond né le mois dernier de cette odieuse tentative devenue tout à coup un événement européen. Parmi les premières vient se ranger en ce moment un décret qui transforme le régime de la boucherie en consacrant définitivement la liberté de cette industrie. Il y a longtemps que cette question est étudiée et que les expériences se succèdent; il y a même ce fait singulier à considérer, que Paris seulement était soumis jusqu’ici à un régime tout spécial, dont les départemens restaient affranchis, et qui n’existe point dans les grandes capitales de l’Europe. Le décret actuel fait cesser heureusement cette anomalie, et il a cet avantage de concilier tout à la fois ce qui est dû à l’intérêt du public et le respect du principe de la liberté des professions et des industries. Parmi les choses qui ont aujourd’hui un caractère politique, tout se résume, à vrai dire, dans le procès qui vient de se terminer devant la cour d’assises de Paris et dans la loi sur les nouvelles mesures de sûreté générale votée, il y a quelques jours, par le corps législatif.

Que peut-on dire de ce procès, des auteurs de l’attentat du 14 janvier ? Il s’est déroulé sans notable incident, il s’est dénoué comme il était facile de le prévoir. La vérité était tristement palpable; le souvenir du sang versé pesait encore sur cette affaire. Entre la justice des hommes et la justice de Dieu, il n’y a certes place pour aucune parole. Quant à la loi sur les mesures de sûreté générale, elle a été votée par le corps législatif à peu près telle que le gouvernement l’a présentée, si ce n’est que les mesures d’internement ou d’expulsion, pour être entourées de plus de garanties, devront être pro-