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ÉTUDES D’HISTOIRE PRIMITIVE.

n’est plus la même, l’atmosphère s’est ressentie des modifications communes ; cela suffit pour que sur cette nouvelle scène une nouvelle population lève sa tête. Sans doute chaque terrain a été à son tour superficiel, frappé par les rayons du soleil et animé par la pullulation des êtres vivans ; mais des événemens toujours analogues sont advenus un grand nombre de fois, c’est-à-dire que la vie, s’éteignant et se rallumant, a varié selon que variait la nature de la surface. L’intervention puissante de la terre dans les manifestations vivantes est donc évidente, et désormais toute théorie générale sur la conception du monde est tenue à conformer scrupuleusement les changemens des êtres organisés aux changemens de la superficie du globe, à ne point intervertir les dates de cette antique histoire, à ne point mettre au commencement ce qui est à la fin, et à suivre la loi de succession telle que les faits l’ont montrée.

J’irais certainement contre mes intentions les plus arrêtées, si de mes paroles on pouvait inférer qu’il y a quelque induction à tirer de ces faits touchant le mode de formation première des êtres organisés. Non-seulement ces faits n’autorisent aucune théorie là-dessus pour le présent, mais je pense même qu’ils n’en autoriseront jamais, et je regarde la question comme toujours interdite à la recherche. La philosophie positive m’a enseigné que tout ce qui se rattache à l’origine ou à la finalité est complètement inaccessible à l’esprit humain, et doit être désormais abandonné. Depuis l’ouverture de l’ère de la pensée pour l’humanité, on a beaucoup médité, beaucoup écrit sur ce sujet, singulièrement attrayant ; mais les méditations et les écrits ont nécessairement exprimé une conception qui, purement subjective et née des combinaisons de l’esprit, pouvait à la vérité concorder avec le monde réel, mais en fait se trouve n’y pas concorder, et réciproquement la conception qui provient de l’étude du monde réel, étant une donnée de l’expérience, n’a aucune prise sur des sujets qui sont de leur nature hors de l’expérience. De la sorte tout chemin est coupé, soit qu’on descende de l’esprit vers le monde, soit qu’on aille du monde vers l’esprit. L’une de ces méthodes, qui prétend donner les solutions d’origine et de finalité, est en contradiction avec les choses telles qu’elles sont ; l’autre, qui est en rapport avec les choses telles qu’elles sont, se refuse à toute solution de finalité et d’origine. En cet état, et la double impossibilité étant dûment reconnue, on écartera comme stériles des discussions qui ne peuvent jamais aboutir. Ainsi, pour me tenir dans l’objet dont je m’occupe, on ne cherchera pas à imaginer ce qui n’est pas imaginable, comment les êtres vivans ont pour la première fois, pour la seconde, pour la troisième ou pour telle autre, apparu sur la terre ; mais ce qu’on cherchera et ce qui importe grandement à la consolidation des doctrines de l’humanité, et partant à son existence so-