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puissant en Europe qu’à la condition d’être au moins présent sur tous les points du globe où les drapeaux de la civilisation se déploient, dans toutes les mers où la vapeur transporte les marchandises et les colons. C’est à ses colonies que la Hollande doit le rang qu’elle occupe en Europe. On pourrait presque en dire autant de l’Espagne. Combien serait amoindrie l’Angleterre elle-même, si la couronne des trois-royaumes cessait de compter parmi ses fleurons l’Inde, l’Australie, la Guyane, la Jamaïque, le Cap, et ces mille possessions éparses sous les différentes latitudes, comme autant de perles recueillies dans tous les océans !

Examinons maintenant les possessions que les traités de 1814 et de 1815 ont laissées à la France dans les mers de l’Inde. L’énumération sera courte : l’île de la Réunion, Mayotte, Nossi-Bé, Sainte-Marie de Madagascar ; Pondichéry et Karikal, sur la côte de Coromandel ; Yanaon, sur la côte d’Orixa ; Mahé, sur la côte de Malabar ; Chandernagor, sur le Gange. De ces divers établissemens le plus important, quant à l’étendue, au chiffre de la population et au mouvement commercial, est la Réunion ; cependant cette île ne compte que 25 myriamètres de circonférence, et sa population dépasse à peine cent mille âmes ; ses côtes ne possèdent aucun port où les navires puissent s’abriter sûrement ; la valeur des échanges n’atteint pas 50 millions de francs par année. Mayotte, Sainte-Marie et Nossi-Bé sont des points presque insignifians ; l’ensemble de leur commerce ne s’élève guère à plus d’un million. Si la France songeait de nouveau à fonder un établissement colonial à Madagascar, les possessions que nous venons de citer pourraient présenter quelque intérêt, elles faciliteraient la conquête de la grande île ; mais il ne semble pas que l’on pense sérieusement à entreprendre une telle expédition, qui coûterait beaucoup d’argent et beaucoup d’hommes, et dont le succès serait au moins très douteux. La Réunion et les points que nous occupons dans le sud de la mer des Indes sont donc à peu près sans valeur pour la métropole, soit au point de vue de l’influence politique, soit sous le rapport militaire, alors surtout que l’Angleterre est maîtresse du cap de Bonne-Espérance et de Maurice. Que dire de nos établissemens sur le sol de la péninsule indienne ? Ils représentent une superficie de 50 milliers d’hectares ; leur population n’atteint pas deux cent mille âmes ; leur revenu est presque nul, et comme ils-se trouvent enclavés dans les possessions anglaises, comme ils ne peuvent, aux termes des traités de 1815, être fortifiés, ils retomberaient infailliblement, en cas de guerre, aux mains de la Grande-Bretagne. Il n’y a dans cette situation ni sécurité ni dignité. Plusieurs fois déjà il a été question de céder à l’Angleterre Karikal, Yanaon, Mahé et Chandernagor, et d’accepter en échange un accroissement de territoire autour de Pondichéry. Cette combinaison serait assurément préférable à l’état de choses actuel. Nos possessions dans l’Inde, disséminées aujourd’hui sur plusieurs points éloignés les uns des autres, se trouveraient utilement réunies en un seul point de la côte de Coromandel, pourraient acquérir une certaine importance commerciale et industrielle, et seraient en mesure de fournir à nos colonies à sucre, notamment à la Réunion, un plus grand nombre de coolies ou travailleurs indiens. Resterait cependant le péril que nous avons signalé plus haut : même agrandi, même fortifié, l’établissement de Pondi-