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Viens, assis sur les fleurs, près de l’oncle écumante.
Respirer, tout l’été,
L’esprit qui les supporte et qui les alimente
Dans leur éternité.

IV.


Sur une mer de neige, une île verte et chaude
Dans son cadre d’argent luit comme une émeraude;
Les glaciers crénelés, s’étageant par gradin,
Font un rempart d’azur à ce chaste jardin.
Le sourire empourpré du jour qui se réveille,
Ruisselant sur les fleurs de l’immense corbeille,
Enflamme, sous l’or vif dont il baigne leurs fronts,
La digitale rouge et les rhododendrons,
Et la longue asphodèle, et mille herbes étranges
Qu’ailleurs n’ont vu fleurir ni l’homme ni les anges.
Et mille arbres sans nom réservés à ce lieu
Qui n’a pour jardinier que le souille de Dieu.

Vers ce paisible Éden porté de rêve en rêve.
De sommet en sommet, l’ardent songeur s’élève.
Et, comme en son berceau, vient sans étonnement
S’asseoir sur ces gazons voisins du firmament.

Visible pour lui seul, un long cortège d’âmes
Tourbillonnait dans l’air en ellipses de flammes,
Et, formant un grand aigle au plumage vermeil.
Comme un feu dans la nuit brillait dans le soleil.
Ces radieux esprits, avec des cris de joie,
Planent sur l’étranger comme sur une proie;
Car de tout noble amour par leur gloire excité
Dieu nourrit les héros durant l’éternité,
Et fait, entre eux et nous, flotter sans qu’il dévie
Un courant de vertus de l’une à l’autre vie.

Or l’amant des hauteurs devant lui, tout le jour,
Vit ces oiseaux divins se poser tour à tour.
Et tous, en lui parlant sous leur figure ancienne.
Échangeaient par éclairs leur âme avec la sienne.
Tous, divers autrefois et de race et de lieux,
Ne forment plus au ciel qu’un peuple merveilleux;
Ils ont dans l’idéal leur commune patrie
Et leur même symbole où plus rien ne varie;