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Ton marteau sonore a battu l’acier;
Le grès du rocher près du flot l’aiguise;
La hampe de frêne est faite à ta guise;
Présente la pointe au sanglant coursier.
Ton marteau sonore a battu l’acier.

Rustiques faucheurs, l’escadron se brise
Sur vos rangs pressés comme une forêt.
Frappez des chevaux le nerveux jarret;
Rustiques faucheurs qu’un soldat méprise,
Fauchez plus avant, l’escadron se brise !

Les hauts cavaliers tombent lourdement
Sous l’or et l’airain des riches armures.
Les épis sont pleins, les herbes sont mûres;
Comme les pavots et le blond froment.
Les hauts cavaliers tombent lourdement.

Rompez dans leurs mains, comme une quenouille,
La lance effilée au rouge pennon
Et l’écu d’azur où s’écrit leur nom.
Sous l’acier des faux lavé de sa rouille.
Leur glaive est brisé comme une quenouille.

Gravissez, faucheurs, ces monceaux de morts
Pareils aux sommets, votre âpre domaine.
Sur ces prés sanglans le fer se promène.
Pour trancher la fleur des preux et des forts,
Gravissez, faucheurs, ces monceaux de morts.

Vous n’aurez jamais de moissons plus belles;
Ramenez vos chars pleins et triomphans;
La liberté sainte a, pour vos enfans.
Lié de ses mains les blondes javelles...
Vous n’aurez jamais de moissons plus belles.

Rentrez sous le hangar les faux et les tridens;
Votre toit vous rappelle après ces jours ardens.
Moi j’irai sur vos monts, qu’en rêvant je traverse,
Cueillir à chaque cime une vertu diverse.
Les saintes visions habitent ces hauteurs;
Dieu, qui s’y manifeste à vos rudes pasteurs,
Accorde avec amour à leur race aguerrie.
Après les grands combats, la grande rêverie.