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Les simples et les forts sont mes seuls courtisans.
Mon trône de bruyère
Du pâtre et du chasseur inspire, tous les ans,
La chanson libre et fière.

Tu viens d’un pied hardi me visiter comme eux;
Un vent frais te caresse...
Et pourtant mon soleil laisse à ton front brumeux
Son voile de tristesse.

HERMANN.


Satisfait de mon sort et moins triste que fier,
Je ne viens pas gémir assombri par l’injure;
Si j’étais l’offensé de ce siècle de fer,
Je mettrais plus d’orgueil à cacher ma blessure.

Mais sous mon toit béni s’assied le vrai bonheur;
J’y vois l’aïeul sourire au nourrisson robuste.
Riche des fruits de l’arbre et des fleurs de l’arbuste,
Je ne désire rien,... j’ai le pain et l’honneur.

Je trouve en ces forêts et mon luxe et mes fêtes;
Plongé dans la nature, y parlant à nos dieux.
Tout ce que je demande à cet âge odieux,
C’est d’épargner encor tes bois et mes retraites.

Si je viens triste et seul au-devant du désert.
C’est pour fuir, dans l’azur, sur ta cime où je monte,
L’aspect même du joug dont ils aiment la honte.
Et leurs lâches plaisirs où la vigueur se perd :

Pour couvrir du silence et de l’ombre des chênes
D’indignes souvenirs dont je suis innocent;
Pour respirer un air plus vif et plus puissant,
Et qui soit pur au moins des serviles haleines.

L’ESPRIT.


Viens! j’accueille et nourris ce fécond désespoir.
Ces haines magnanimes;
Je hausse les cœurs fiers et d’un ferme vouloir
Au niveau de mes cimes.

Viens ! j’ouvre à tes désirs cet austère jardin;
Mon soleil t’y convie.
Récolte, avec mes fleurs, de gradin en gradin,
Les conseils de la vie.