s’efforce de trouver la justification de son adultère, et qu’elle se rappelle tout à coup l’orgueil barbare d’Agamemnon sacrifiant sa fille à la Grèce, cette scène a beau rappeler la Judith de M. Frédéric Hebbel[1], elle révèle chez l’auteur un rare sentiment de la poésie. Le rôle d’Oreste enfant est aussi une conception énergique et neuve qui fait honneur à M. Tempeltey. Ces beautés de détail ne pouvaient cependant sauver l’ouvrage. Le drame de Clytemnestre est trop moderne pour un sujet antique, trop antique pour des idées modernes. Ni l’intérêt de l’action n’est assez vif, ni l’inspiration morale n’est assez haute pour satisfaire le public de l’Allemagne. Qu’importe? L’auteur a révélé un talent sérieux ; qu’il médite plus profondément ses sujets, qu’il songe davantage à l’harmonie de la forme et des idées, et il pourra réparer sa défaite.
Un autre ouvrage dramatique représenté dernièrement avec un médiocre succès, bien que l’auteur porte un nom célèbre et qu’il ait dans la presse allemande tout un bataillon d’admirateurs enrégimentés et disciplinés à la prussienne, c’est la comédie que M. Charles Gutzkow a intitulée Laurier et Myrte. M. Gutzkow est plus modeste que M. Brachvogel : il ne revendique pas pour le poète dramatique le droit de rectifier l’histoire; sa pièce, il l’affirme dans le titre même, est une comédie historique et de plus une comédie de caractère : Lorber und Myrte, historisches Charakterbild. Malheureusement, ce droit qu’il veut bien ne pas réclamer, il en use comme s’il le possédait. L’histoire dont il s’agit, c’est l’histoire de la représentation du Cid et du mariage de Corneille; le laurier, ce sera le Cid; le myrte, ce sera Marie de Lampérières. Quant aux caractères que l’auteur a la prétention de peindre, c’est surtout Corneille et Richelieu. On a dit souvent qu’il était périlleux de faire parler sur la scène les hommes dont la voix a traversé les siècles et retentit encore à nos oreilles; imposer notre langage à ceux qui ont eu le don des paroles immortelles, c’est une audace qui est rarement heureuse. M. Gutzkow, plus qu’un autre, aurait dû être sur ses gardes; une fois déjà, dans le Modèle du Tartufe, il a osé produire Molière sur la scène, et, en le faisant agir et parler, il a commis des bévues si grossières, des énormités si révoltantes, que la critique a dû les signaler sans ménagement[2]. Les inventions de M. Gutzkow à propos du mariage de Corneille sont moins audacieuses que son explication du Tartufe; le poète qui a fait de Lamoignon un scélérat, et de Molière une espèce de grand-juge criminel, défenseur acharné de la veuve et de l’orphelin, a droit à nos remerciemens quand il veut bien ne pas trop défigurer le caractère de Corneille. Il est vrai