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César, va dire à notre maître que demain, selon son ordre, je combattrai dans le cirque, pour vaincre, si les dieux y consentent, pour mourir, si tel est le sort que leur volonté me réserve.


On devine tout ce que souffre la malheureuse mère. Pourquoi n’est-elle pas morte avec Armin au lieu de tomber aux mains des vainqueurs? Le jour où elle parut captive devant Germanicus, pourquoi ne s’est-elle pas tuée à ses pieds? Elle le voulait, elle voulait arracher l’épée d’un garde et s’en frapper au cœur; mais tout à coup elle a senti ses flancs tressaillir : Armin avait un fils, et la mère s’est condamnée à vivre. « J’ai eu tort, dit-elle aujourd’hui, la honte est le fruit de la faiblesse! Cependant ne crains rien, Armin; ton nom ne sera pas livré à la honte. Ce n’est pas ainsi que ton fils doit mourir. »

Un grand mérite de ce drame, et ce qui en fait une nouveauté sur la scène allemande, c’est la simplicité des moyens employés par l’auteur. Il n’y a point d’incidens, point de péripéties matérielles et violentes; la lutte est toute morale, l’action est une, et le poète en fait sortir tous les développemens qu’elle renferme. Après un moment de désespoir, Thusnelda se relève pour tenter un dernier effort. C’est le sujet du quatrième acte. La veuve d’Armin n’a pas réussi à réveiller le sentiment du patriotisme dans l’âme avilie du gladiateur; ce que n’a pu la voix d’une femme, un homme, un guerrier, le fera mieux sans doute. « Au secours, Mérowig! » Mérowig s’est battu à côté d’Armin, Mérowig apporte au fils de son compagnon d’armes le commandement de la Germanie tout entière, et lui propose la lutte contre Rome; qu’il parle, Sigmar se réveillera! L’épreuve est solennelle et pleine de poignantes angoisses. En vain dit-on à Thusnelda que ces tentatives sont inutiles, que Sigmar n’a plus rien des hommes de sa race, que le gladiateur de Ravenne appartient corps et âme aux Romains. « Non, il est Allemand (et en parlant ainsi, la noble femme répond moins à la compagne de sa captivité qu’à la voix secrète de sa conscience), il est Allemand dans chaque battement de son cœur, dans chaque goutte de son sang. Son attachement à Rome qui l’a élevé, c’est de la loyauté allemande; son enthousiasme pour les combats du cirque, c’est du courage allemand, et alors même qu’il repousse toute communauté avec l’Allemagne, c’est encore un délire allemand qui l’emporte. Il est Allemand, te dis-je... » Tout à coup on entend des cris de joie, des chants de débauche, un bruit de verres entre-choqués. Le fils d’Armin est avec Lycisca dans la chambre de Glabrion; il est ivre et il chante son ivresse, il chante le sang de la vigne et les lèvres pourprées de la courtisane. « honte! dit Ramis, voilà donc le fils d’Armin! » Mais la mère s’obstine à défendre son fils, elle ne veut pas