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dernes, quelques pièces de Tieck, d’Henri de Kleist, les meilleurs ouvrages d’Immermann, entre autres la trilogie intitulée Alexis, complétaient le répertoire. Malgré tant de talens et d’efforts, la tentative dramatique de Dusseldorf était condamnée d’avance. On a dit que le mal des états allemands était le mal de la petitesse et de la dislocation; cela est surtout vrai du théâtre. Que pouvaient être, dans ce coin de l’Allemagne, les succès d’Immermann et de sa troupe? Rien de plus que des succès académiques. La partie la plus vivante de ce public auquel s’adressait le poète, c’étaient les maîtres et les élèves de l’école de peinture, public d’élite, mais trop spécial. Immermann, pour atteindre son but, aurait dû se placer au milieu d’un grand centre. Aussi qu’arriva-t-il? L’homme qui s’était flatté de créer des relations fécondes entre le théâtre et le peuple ne réussit qu’à faire de la scène de Dusseldorf une espèce de musée poétique, une sorte d’exposition universelle où les œuvres les plus intéressantes de la littérature dramatique en Angleterre, en Espagne, en France même, étaient ingénieusement étudiées. Quant au théâtre spécialement national, il n’en était plus question. Ce poétique musée était un objet de luxe, cette exposition universelle ne pouvait se prolonger. Dans la situation défavorable où s’était placé Immermann, on est surpris que cette œuvre se soit encore maintenue si longtemps. Cela dura trois années; l’entreprise d’Immermann avait commencé avec l’hiver de 1834; le 1er avril 1837, il fit réciter sur la scène de touchans et poétiques adieux à son public. Les ressources de la ville, les sympathies d’une société d’élite, l’activité d’Immermann et le zèle de ses associés n’avaient pu triompher de l’indifférence de la foule.

Après l’insuccès de ces tentatives, on vit se produire une singulière confusion dans la littérature dramatique. Ici un homme de talent, M. Julius Mosen, essayait une sorte d’éclectisme où les classiques inspirations de Goethe devaient s’unir au romantisme de Schlegel; c’était du moins ce qu’il annonçait dans maintes préfaces, quoiqu’on ne voie pas très clairement de quelle façon ses estimables drames historiques se rattachent à cette théorie. Ce qu’il y a de plus clair dans les programmes littéraires de M. Julius Mosen, c’est qu’il imposait au théâtre, pour condition première, la nécessité de répondre aux idées et aux préoccupations du présent : « Où est le poète du présent? semblait dire M. Mosen; qu’il paraisse enfin! C’est lui qui relèvera la scène allemande. » Les admirateurs de M. Mosen, entre autres M. Adolphe Stahr dans sa Dramaturgie d’Oldenbourg, n’hésitaient pas à dire que ce rôle lui était réservé. M. Mosen ne parvint cependant qu’à faire estimer un talent sérieux, des intentions élevées, quelques ouvrages assez fortement conçus;