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géomètres grecs, appuyés sur la connaissance des propriétés du cercle, n’hésitèrent pas à déclarer, contre tous les témoignages apparens, que la terre était une sphère. L’un d’eux, Ératosthène, essaya même de la mesurer, et il en évalua le pourtour à 250,000 stades, c’est-à-dire à 45 millions de mètres, se trompant ainsi de 5 millions de mètres, mais indiquant la voie par laquelle on arriverait à une détermination. On y arriva en effet à mesure que les méthodes se perfectionnaient. Et en même temps apparurent de nouveaux élémens et de nouvelles conséquences : la terre n’était point une sphère, c’était un ellipsoïde ; cet ellipsoïde n’était pas régulier ; il était renflé à son équateur et aplati à ses pôles. De même que la géométrie rudimentaire avait tout d’abord assigné, avec toute certitude, une forme globuleuse à la terre, de même la géométrie supérieure, en considérant la véritable figure, déclara que, pour que cette figure eût été prise, il fallait absolument que le globe terrestre eût été liquide à une époque antérieure de son existence. Ce fut désormais une condition capitale à laquelle la théorie de la terre dut satisfaire, et les hypothèses qui ne s’y conformaient pas étaient, par cela seul, écartées sans discussion. Ce n’est pas tout : les astronomes, mettant la terre dans la balance, l’ont trouvée environ six fois plus lourde que l’eau, c’est-à-dire que le globe terrestre pèse environ six fois plus qu’un globe d’eau de même dimension ; dès lors il a été entendu qu’aucune idée sur la constitution de notre planète n’était valable, si elle ne supposait que les parties centrales en étaient occupées par des matières très lourdes ; aucun espace vide n’y peut être conçu, et la densité est plus grande dans les couches profondes que dans les couches superficielles.

Après les astronomes vinrent les physiciens. Ils déterminèrent la chaleur qui l’animait, tant celle qu’elle tenait de son origine et du foyer intérieur que celle qui lui était envoyée du soleil ; les puissances qui font trembler les continens ; l’équilibre des mers ; les courans électriques qui parcourent la surface, et dont l’intervention lie une mince aiguille aimantée à toute la constitution terrestre ; le froid glacial des espaces intercosmiques, froid dont nous ne sommes défendus que par l’épaisseur de notre atmosphère. Si bien que le globe se montre comme une masse énorme, vivifiée par des forces toujours actives, et réglée dans sa constitution par leur conflit réciproque.

Les chimistes à leur tour se chargèrent de dévoiler les propriétés moléculaires de cet immense agrégat. Toutes ces expériences qui constatent le nombre et les qualités des substances élémentaires, qui dissocient ce qui était composé, qui recombinent ce qui avait été dissocié, qui montrent que les particules matérielles, jamais anéan-