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« On a, disent-ils, dans toute l’île un soin extrême de ces jolies vaches. L’honorable colonel Mourant nous disait d’elles : Ce sont nos enfans gâtés. Aussi se laissent-elles approcher et caresser avec plaisir ; en liberté dans les herbages, elles viennent à l’appel de leur nom et restent auprès du visiteur. » Ces vaches donnent, d’après MM. Girardin et Morière, plus de 4,000 litres de lait par an. Ce qui vaut encore mieux que la quantité, c’est la qualité de ce lait. Il faut généralement de 28 à 30 litres de lait pour obtenir un kilogramme de beurre, tandis qu’à Jersey il suffit de la moitié. La moyenne de la production des bonnes vaches jersiaises est, dit-on, d’un kilogramme de beurre par jour pendant trois cents jours. Le beurre valant en moyenne 3 francs le kilo, c’est un total de 900 francs par tête de vache, sans compter le lait écrémé et le lait de beurre. Le poids moyen de ces vaches est de 300 kilos ; leur taille est plus élevée que celle des bretonnes, et moindre que celle des cotentines ; elles donnent en général du lait jusqu’à l’âge de seize ans.

En somme, on ne saurait trop recommander à nos cultivateurs la lecture de ce petit écrit, plein de faits démonstratifs et bien présentés.


V

Ce qui vaut mieux encore que les concours, les bons livres et les lois spéciales pour activer les progrès de l’agriculture, c’est l’ensemble de la situation économique du pays. « Avec la paix, dit Adam Smith, des taxes modérées et une suffisante administration de la justice, l’agriculture se développe d’elle-même. » Voilà déjà près de deux ans que la guerre est finie ; l’immense perturbation qu’elle avait jetée dans les intérêts va en s’amoindrissant. Nous n’avons aucune nouvelle menace de guerre à l’horizon, et si l’on peut compter sur quelque chose dans le temps où nous vivons, la paix paraît assurée pour plusieurs années au moins. Les dépenses publiques, brusquement accrues depuis la guerre, pourront rentrer dans de plus justes limites. Le luxe lui-même, cet ennemi d’autant plus dangereux de la fortune publique qu’il double pour un moment l’apparence de la richesse aux dépens de la réalité, semble hésiter et reculer devant les résultats de ses folies.

Une crise commerciale et industrielle, résultat inévitable de tout ce qui l’a précédée, s’est déclarée depuis près d’un an. On a cru y voir l’effet de la crise américaine ; mais la nôtre étant la plus ancienne, il est difficile de s’y tromper : la situation du crédit américain a pu l’aggraver, non la provoquer. On a voulu aussi y voir une crise monétaire, ce qui ne manque pas moins de vraisemblance, puisque